Traditionnellement, le développement de médicaments suppose que tous les patients atteints d'une même pathologie réagissent de la même façon à un médicament donné. Mais, selon le système de santé publique du Royaume-Uni, ces traitements universels ne sont efficaces que chez 30 à 60 % des patients, car chaque individu réagit et métabolise les médicaments différemment.
D’après les scientifiques, la médecine personnalisée est plus efficace, car elle fournit des traitements adaptés à la biologie unique de chaque patient, afin d’aider les patients et les sociétés dans lesquelles ils vivent.
En diminuant l'utilisation de médicaments inefficaces, en réduisant le coût des maladies chroniques et en raccourcissant les séjours hospitaliers, d’après un rapport de juillet 2018 publié par deux associations du secteur pharmaceutique : les entreprises biopharmaceutiques européennes (EBE) et la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA).
« Aux Pays-Bas, la médecine personnalisée a permis de réduire le recours à la chimiothérapie et la durée desOn estime que la durée moyenne d'un séjour à l'hôpital pour des thérapies ciblées varie entre trois et quatre jours, alors même qu’elle s’élevait à plus d'une semaine auparavant pour les protocoles de chimiothérapie. séjours hospitaliers », indique ce rapport.
Dans le monde entier, plusieurs entreprises innovantes utilisent des technologies de pointe pour étendre l'application de la médecine personnalisée à de nouvelles maladies, dans le but d'améliorer les résultats pour les patients tout en réduisant les répercussions sociales de leur maladie.
UN TRAITEMENT PERSONNALISÉ DE L'ÉPILEPSIE
Les personnes souffrant d'épilepsie, par exemple, voient l’avenir sous de meilleurs auspices grâce à la technologie développée par BioSerenity, une équipe d'experts de l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière de la Pitié-Salpêtrière, le plus grand hôpital universitaire de France.
Chaque patient porte un bonnet et un t-shirt intelligents dotés de capteurs biométriques et d'électrodes et capables de détecter toute activité anormale, notamment les crises. Ces capteurs transmettent les informations aux professionnels de santé via une plate-forme sécurisée sur le cloud, où elles sont interprétées par des algorithmes d'apprentissage automatique afin d'affiner les diagnostics et d'analyser les réactions aux traitements.
« Grâce à notre solution de diagnostic à distance et aux applications qui l'accompagnent, nous suivons les patients sur une longue période sur le terrain », souligne Pierre Frouin, PDG de BioSerenity. « Nos solutions de télémédecine utilisent l'IA [intelligence artificielle] pour identifier les biomarqueurs digitaux dans les signaux enregistrés. Ensuite, des experts humains confirment le diagnostic. »
L'objectif de BioSerenity est d'aider la communauté scientifique à mieux comprendre des maladies comme l'épilepsie et à améliorer les traitements prolongés.
« Si nous parvenons à détecter les premiers signes de détérioration, nous pourrons traiter le patient avant que quelque chose de grave n'arrive, et ainsi réduire le nombre d'hospitalisations », avance Pierre Frouin. « Nous pouvons également suivre l'impact de la thérapie afin d'optimiser les soins et de permettre aux patients de bénéficier plus rapidement du bon traitement. »
Aujourd'hui, trois à cinq ans sont nécessaires pour stabiliser un patient épileptique. Pierre Frouin est convaincu que la médecine personnalisée pourra réduire drastiquement ce délai. « Elle soulagera également les proches en réduisant la probabilité que les patients perdent leur emploi ou leur permis de conduire », dit-il.
LES PROGRÈS DE LA CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE
Digital Orthopaedics met au point des systèmes de simulation en 3D pour faciliter la prise de décision en matière de chirurgie du pied et de la cheville.
« Notre but est de personnaliser la planification et l'exécution des chirurgies et améliorer les traitements », résume Eric Halioua, co-fondateur et PDG de la société belge. « Nous générons un jumeau numérique du pied et de la cheville du patient en 3D et nous simulons la chirurgie afin d'évaluer les différentes options possibles. »
Parmi ses nombreux avantages, cette technologie profite aux patients en identifiant la cause profonde de leur état et en déterminant la meilleure solution. Mais elle a d’autres atouts. « Nous pouvons décharger les médecins et les chirurgiens et faire le meilleur usage de leur temps en déléguant les premières étapes ou les cas les plus simples à des ressources moins spécialisées », explique Eric Halioua. « D'un point de vue financier, nous garantissons la meilleure prestation médicale pour chaque dollar dépensé, et contribuons ainsi à réduire la fréquence des complications et des réinterventions, qui peuvent s'avérer extrêmement coûteuses. »
La puissance des simulations informatiques est au cœur de la vision de Digital Orthopaedics. « Le recours aux technologies de simulation avancées est plutôt à la mode », constate Eric Halioua. « En plus de profiter aux humains, les simulations limitent aussi le nombre d'études sur les animaux. Nous disposons maintenant de la technologie nécessaire pour reproduire la dynamique humaine sur ordinateur, ce qui était impossible il y a dix ou vingt ans. Cette prouesse transforme la façon dont le secteur assure et développe la médecine et les soins de santé. Nous devons absolument intégrer ces outils dans notre pratique professionnelle. »
Digital Orthopaedics prévoit de commercialiser ses solutions en 2019.
UN DOSAGE PRÉCIS
Les médicaments ne sont efficaces que si le patient les utilise correctement. ExactCure, une start-up niçoise dédiée aux soins de santé personnalisés, a été fondée pour répondre à la problématique des patients qui ont besoin d'un autre dosage que celui considéré comme standard.
« Nous commençons tout juste à réaliser le potentiel de la médecine personnalisée », affirme Fabien Astic, qui a cofondé ExactCure avec Frédéric Dayan et Sylvain Benito, et est en charge du développement commercial de la société. « Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère de véritable personnalisation. Mais une partie du problème vient du fait que nous sommes tous uniques : nous réagissons donc différemment aux médicaments. »
La technologie d'ExactCure est le fruit de trois années d’études en partenariat avec l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).
« Nous avons conçu une application [pour smartphones] qui mesure les constantes de chaque patient et les soumet à un algorithme pour simuler l'impact des médicaments sur son corps », indique Fabien Astic. « Nous pouvons alors prédire sa réaction au traitement et ainsi personnaliser le dosage. »
L'ambition d'ExactCure est de mettre au point des médicaments véritablement personnalisés pour tous.
« Grâce à la prise en compte des caractéristiques propres à chaque personne (comme le poids, l'âge et le sexe), nous pouvons déterminer avec précision le meilleur mode de traitement et améliorer les résultats », promet Fabien Astic. « Le nombre de traitements d'urgence, de visites à l'hôpital ou chez le médecin et même de décès se verra réduit, en particulier dans les pays développés et la douleur ne pourra que diminuer. »
L’entreprise mène trois projets pilotes avec un syndicat de pharmaciens et de médecins en France et en Espagne. Ces projets pilotes devaient commencer en décembre 2018 et se poursuivre jusqu'en février 2019. Comme les smartphones sont utilisés partout dans le monde, Fabien Astic pense qu'ExactCure pourra autant bénéficier aux patients des pays les moins avancés que dans les économies développées.
« Rien n’empêche la médecine personnalisée d’être accessible à tous », affirme-t-il. « Tout simplement car quasiment tout le monde possède désormais un smartphone. Si vous avez accès à un smartphone et à Internet, vous pouvez avoir accès à notre solution. »
UNE RÉGLEMENTATION PRUDENTE
Bien que la médecine personnalisée offre d'énormes avantages, les autorités doivent se montrer prudentes, modérer l'enthousiasme et s'assurer que les nouveaux traitements sont prêts à être administrés au public. C'est pourquoi les prestataires de soins de santé mondiaux établissent des politiques et des programmes de recherche pour mesurer les implications sociales de cette nouvelle approche.
« Nous devons veiller à ce que les patients et le public aient confiance en l'utilisation de ces technologies, et à apaiser toute crainte éventuelle, en particulier en matière de sécurité et de confidentialité des données », rappelle le système de santé publique du Royaume-Uni dans son rapport de 2016 intitulé Improving Outcomes Through Personalised Medicine. »
Dans son atelier de 2017 sur la médecine personnalisée, l'Agence européenne des médicaments a souligné la nécessité de sensibiliser les patients aux conséquences sur la confidentialité du partage de leurs données, et a insisté pour que l'industrie communique davantage auprès des patients afin qu'ils puissent donner leur consentement à la médecine personnalisée. Toutefois, tous les participants se sont accordés pour dire que les avantages de la médecine personnalisée pourraient être considérables.
D’après l’EMA, « une meilleure capacité à dispenser les traitements aux seuls patients susceptibles d'en bénéficier, en évitant les patients qui risquent d'y perdre, augmenterait les taux de réussite de ces traitements, raccourcirait les délais de développement de nouveaux produits et réduirait potentiellement les dépenses de santé globales. »
Pour en savoir plus sur les solutions de soins personnalisés, consultez : go.3ds.com/lfXk