Depuis que la première photo en gros plan de la planète a été prise en 1965, une grande question motive le programme d’exploration de la planète Mars de la NASA — y a-t-il de la vie sur la planète rouge ?
Cinquante ans après, les missions martiennes et les nouvelles données recueillies par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) de la NASA, qui a été mise en orbite autour de la planète en 2006, continuent d’indiquer la présence d’eau, ce qui accroît la probabilité que des formes de vie puissent exister ou auraient pu exister sur Mars.
« Notre objectif sur Mars a été de "suivre la piste de l’eau" dans notre recherche de vie dans l’univers, et maintenant nous disposons de données scientifiques qui confirment ce que nous pressentions depuis longtemps », a déclaré John Grunsfeld, astronaute et ancien administrateur associé de la Direction des missions scientifiques de la NASA à Washington, DC, à l’occasion des découvertes de Mars Reconnaissance Orbiter en 2015.
Pour approfondir les recherches, la NASA élabore un plan qui pourrait déboucher sur une présence humaine durable sur Mars.
« En 2019, nous allons envoyer le lanceur Space Launch System et le vaisseau Orion en mission à des milliers de kilomètres au-delà de la Lune », déclare Jim Wilson, responsable des affaires publiques pour l’exploration martienne au Bureau des communications de la NASA à Washington, DC. « Notre feuille de route consiste à construire une infrastructure à proximité de la Lune, en commençant par une sorte de "port spatial" ou passerelle vers l’espace profond. Cela permettrait aux astronautes d’amarrer le vaisseau Orion, et aussi de soutenir les efforts d’exploration internationaux et commerciaux. Enfin, nous établirons un système de transport vers l’espace lointain pour aller plus loin dans le système solaire, avec Mars comme objectif final. »
La NASA veut « installer sur Mars une base présentant un intérêt scientifique et des ressources pour les équipages où il sera possible de retourner à plusieurs reprises », détaille Jim Wilson. L’agence spatiale américaine envisage une base d’un « rayon d’environ 90 kilomètres que les astronautes et rovers pourraient explorer » et a récemment annoncé qu’elle collaborera avec la Russie pour construire la première station spatiale lunaire dans le cadre d’un projet.
Sydney Do, ingénieur système au Jet Propulsion Laboratory de la NASA à Pasadena, Californie, explique que l’objectif de l’agence spatiale américaine est de faire se poser des humains sur la surface de Mars à la fin des années 2030.
« J’imagine qu’après avoir passé quelques temps en orbite martienne, nous pourrions tester nos technologies d’atterrissage automatique et nos systèmes de lancement sans équipage, contrôlés depuis l’orbite martienne », précise Sidney Do. « Ensuite, une fois quand nous aurons mis au point cette technologie, nous passerons à l’étape suivante : établir à la surface de la planète une station de recherche avec six à huit personnes qui se consacreront à l’étude de l’histoire géologique de Mars et de sa planétologie afin de déterminer s’il y a jamais eu ou s’il y a actuellement de la vie sur Mars. »
IDENTIFIER LES DÉFIS
Toutefois, avant que des humains ne débarquent sur la planète rouge, les chercheurs doivent surmonter de sérieux obstacles.
« Les problèmes logistiques spécifiques à Mars ont trait à la "tyrannie de l’équation fusée" », explique Charles Polk, directeur général du Martian Trust — une association caritative transnationale dont l’objectif est de réunir des fonds pour financer les projets d’implantation d’une station de recherche auto-suffisante sur Mars. « Pour être plus précis, devoir transporter toute la masse et l’énergie nécessaires pour déplacer un kilogramme de la Terre à Mars nécessite des milliers de kilogrammes de propergol. Deux approches sont donc possibles, soit on accepte la tyrannie et on se contente d’un aller-simple et d’une autosuffisance de départ, soit on compose avec la tyrannie, en mettant en place le ravitaillement en orbite et la production de gaz propulseurs sur Mars. »
Lim Wilson n’oublie pas que le défi est aussi humain.
« Comment pouvons-nous maintenir l’équipage en bonne santé et en sécurité au cours d’un voyage de six à neuf mois ? », interroge-t-il. « Comment protégeons-nous les astronautes des radiations ? Nous avons déjà beaucoup appris à ce sujet avec l’équipage de la Station spatiale internationale. Nous avons observé un astronaute, Scott Kelly, pendant une année, et avons fait beaucoup d’expériences sur tous les aspects de la santé des astronautes, tels que les effets de la microgravité sur les muscles, les os et la vision. Des astronautes ont cultivé et consommé leurs propres légumes sur la Station spatiale, chose qu’ils devront aussi faire pendant le long voyage vers Mars. »
Une mission habitée nous oblige aussi à poser beaucoup plus de masse que pour une mission inhabitée. « Jusqu’à 20 fois plus, selon certaines estimations », précise Jim Wilson. « L’atmosphère de Mars étant extrêmement ténue, il ne faut pas compter dessus pour nous ralentir beaucoup. Il va donc falloir mettre au point des techniques pour freiner suffisamment et se poser sans danger. »
RECOURS À LA TECHNOLOGIE
Sydney Do de la NASA est l’un des nombreux scientifiques qui cherche comment surmonter chaque obstacle.
« Pour le maintien des programmes habités sur Mars pendant une longue période de temps, nous avons retenu une technologie tout à fait essentielle : l’utilisation des ressources in situ, principalement des technologies qui permettent de vivre de ce que l’on trouve sur place », explique Sydney Do. « Si, comme nous le croyons, il y a de l’eau sur Mars et que nous pouvons l’extraire, alors on peut la décomposer en oxygène et en hydrogène. L’oxygène est comme chacun sait un gaz respiratoire, et l’hydrogène une forme de carburant de fusée. »
L’ultime espoir des chercheurs, cependant, est de combiner une partie de cet hydrogène avec du dioxyde de carbone extrait de l’atmosphère martienne pour créer du méthane-carburant. « Nous disposerions ainsi d’un réseau de ressources dans l’espace. »
En 2020, la NASA enverra l’instrument MOXIE (Mars Oxygen In-Situ Resource Utilization Experiment) vers la planète rouge, embarqué sur le Mars 2020 Rover, pour tester la possibilité de fabriquer de l’oxygène et du carburant après l’arrivée des humains sur Mars.
« L’objectif : extraire de l’atmosphère 1 % environ de la quantité d’oxygène dont vous auriez besoin pour une mission d’exploration habitée », détaille Sydney Do. « Le procédé consiste à décomposer le dioxyde de carbone en oxygène et à éliminer le carbone et le monoxyde de carbone restants. C’est une technologie très intéressante, car vous pouvez envoyer un vaisseau spatial sur place et le réapprovisionner en traitant des matériaux locaux. Vous pouvez quitter la Terre en sachant que les ressources nécessaires à votre retour sont déjà prêtes sur Mars. »
D’autres défis spécifiques à la planète Mars pourraient être résolus à l’aide de l’impression 3D.
« Dans l’espace, le coût du transport est très élevé et rendrait extrêmement onéreux le maintien d’une équipe de chercheurs sur Mars », fait remarquer Sydney Do. « L’impression 3D est une façon de réduire ces coûts. Au lieu d’envoyer une pièce de rechange depuis la Terre, par exemple, on pourrait l’imprimer en 3D sur Mars en utilisant soit la matière première envoyée depuis la Terre, soit même celle produite sur Mars en exploitant les ressources locales - ce serait la solution idéale pour réduire les coûts. »
TERRE À TERRE
D’autres se sont penchés sur les défis que pose l’établissement de colonies sur Mars avec Mars City Design, qui rassemble les innovateurs, rêveurs, visionnaires et amateurs de science-fiction qui veulent mettre en avant leurs idées.
Ce mouvement de design participatif parraine chaque année des compétitions dont le but est d’inciter des architectes et artistes à créer ce que sa fondatrice Vera Mulyani appelle « un nouveau projet pour une vie durable sur Mars ». Chaque édition de la compétition comprend des catégories telles que le design urbain, l’architecture, la santé et l’infrastructure, dont le but et de transformer les idées en réalité.
« L’objectif de Mars Design City est d’encourager les idées neuves pour créer de meilleures technologies applicables pour le développement durable sur Terre », souligne Vera Mulyani. « Mars nous pousse à aller au-delà de ce que nous savons déjà. »