Les pneus : un retour en puissance
Les professionnels de l'industrie automobile plaisantent souvent sur le fait que les pneus sont la partie la plus importante d'un véhicule parce que ce sont les seules pièces qui touchent réellement la route… Ce constat est d'autant plus ironique que les constructeurs automobiles consacrent traditionnellement peu de temps à l'amélioration des pneus.
Mais trêve de plaisanteries ! Alors que l'industrie se prépare à l'arrivée de véhicules entièrement électriques et autonomes, les pneus high-tech regagnent en popularité.
« On est en train de réaliser que l'industrie du pneu jouera un rôle clé et fera de plus en plus parler d'elle », affirme Hans Dorfi, directeur de l'ingénierie digitale chez Bridgestone, à Akron, Ohio.
Qui dit nouvelles voitures, dit nouveaux pneus
Avec des véhicules autonomes sans volant, les passagers ne seront donc plus que de simples passagers qui ne veulent pas ou ne s'attendent pas à devoir réparer un pneu crevé. Cette tendance sera particulièrement marquée lorsque les gens cesseront de posséder des voitures et commenceront à les louer pendant des périodes déterminées ou à les utiliser à la demande. Par conséquent, les fabricants de pneus développent et introduisent des pneus sans air, ainsi que des pneus avec des agents d'étanchéité intégrés pour empêcher que les pneus crevés se dégonflent, sur une courte période, jusqu'à ce qu'ils puissent être réparés.
Prévenir les crevaisons n'est cependant pas le seul objectif des fabricants de pneus. Les véhicules électriques sont très lourds en raison du poids des batteries qui les alimentent. Ce poids entraîne une usure accrue des pneus qui oblige à prévoir un moteur pour chaque essieu. Certaines conceptions nécessitent même un moteur pour chaque pneu, entraînant une usure encore plus rapide et un besoin élevé en matériaux plus durables.
L'augmentation de l'usure est due à l'augmentation de l'utilisation quotidienne : 90 % pour les véhicules des flottes partagées, contre 10 % pour les véhicules ayant un seul propriétaire.
Les avantages de la simulation digitale
Pour aider à prévoir et relever ces défis, les fabricants de pneus se tournent vers les logiciels de simulation virtuelle pour s'assurer que leurs solutions sont à la hauteur de la tâche.
« Grâce au digital, nous pouvons concevoir un produit pour une utilisation très spécifique afin d'éviter les nombreuses itérations qui étaient auparavant nécessaires pour valider un produit », explique Hans Dorfi.
Avant de réaliser des essais dans le monde réel, Bridgestone mise sur la simulation virtuelle pour tester ses pneus dans un large éventail de scénarios. Le système Bridgestone DriveGuard est conçu pour offrir une meilleure mobilité après une crevaison. (Image ©Bridgestone)
Les capacités des logiciels de simulation digitale ayant évolué, les fabricants peuvent simuler davantage les conditions dans lesquelles leurs pneus rouleront, ce qui leur permet de tester numériquement les performances de nouvelles conceptions, en conditions réelles, bien avant de décider de les fabriquer.
« Les fabricants de pneus peuvent globalement simuler à peu près tous les événements qu'un pneu doit traverser », affirme Ron Kennedy, directeur général du Center for Tire Research (CenTiRe) de Blacksburg, en Virginie. CenTiRe mène des recherches pour un consortium mondial de fabricants de pneus, par l'intermédiaire de deux universités, l'Institut polytechnique et université d'État de Virginie et l'université d'Akron, sous l'égide de la National Science Foundation.
Le centre peut entre autres évaluer la tenue de route et le confort lorsque les pneus roulent sur des surfaces rugueuses, verglacées ou lisses, ainsi que le niveau de bruit. La résistance au roulement est une autre variable importante, notamment pour les pneus des véhicules électriques. Plus la résistance est faible, plus le kilométrage est élevé et plus l'autonomie des batteries s'allonge entre chaque charge.
Compte tenu de toutes les conditions, conceptions et matériaux que les chercheurs doivent tester, la vitesse à laquelle les simulations peuvent être effectuées revêt de plus en plus d'importance.
« Combien de temps faut-il pour exécuter un modèle ? » demande Kennedy. « Vous voulez pouvoir évaluer autant de variables de conception que possible, aussi rapidement que possible. Une fois par jour, ce n'est pas assez. Nous devons en faire trois ou quatre par jour. »
Des pneus sans air
La simulation a aidé Michelin à développer son pneu UPTIS (Unique Puncture-Proof Tire System). L'UPTIS ne contient pas de chambre à air. En fait, il ne contient pas d'air du tout, ce qui signifie que les constructeurs automobiles qui les intégreront aux spécifications de conception n'auront pas besoin d'inclure un cric ou une roue de secours aux véhicules, évitant ainsi le poids et les coûts que cela implique. Le lancement d'UPTIS pour les véhicules de tourisme de General Motors est prévu dès 2024.
« La grande majorité des conducteurs ne remarqueront aucune différence de sensations ou de performances », a déclaré Michelin. Mieux encore, l'UPTIS améliore la sécurité, car il élimine les risques de crevaison.
Pour Steve Cron, co-inventeur de l'UPTIS et ingénieur principal senior en recherche produit chez Michelin à Greenville, en Caroline du Sud, la simulation s'est avérée particulièrement importante dans le cadre de cette nouvelle conception. Elle a notamment permis aux ingénieurs d'optimiser la forme du rayon en caoutchouc composite, qui contenait un nouveau matériau monofilament en fibre de verre ressemblant à des brins de spaghetti.
« Nous avons fourni des informations au logiciel de simulation et l'avons laissé chercher des solutions », explique Steve Cron. « Cela nous a permis de gagner énormément de temps, et nous avons obtenu de meilleures solutions sans impliquer un seul être humain dans la boucle ». Aujourd'hui, la fibre de verre monofilament est utilisée dans la bande extérieure des pneus et pour renforcer les rayons de la roue.
L'autre avantage majeur de la simulation virtuelle ? Avoir pu déterminer comment l'UPTIS serait structuré mécaniquement. Les ingénieurs cherchaient à imiter la manière dont toutes les parties d'un pneu pneumatique (le haut, le bas, les côtés et les rayons) — et pas seulement la partie de la roue qui touche la route — contribuent au transport de la charge d'une voiture. « Sans simulation, nous n'aurions jamais pu comprendre cela », affirme Steve Cron. « L'utilisation de ces outils a été absolument essentielle. » ◆
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