Des produits personnalisés pour tous

Les constructeurs automobiles sont sous pression pour proposer une customisation de masse

William J. Holstein
1 February 2019

6 minutes

Face aux consommateurs qui recherchent des voitures à l'image de leur mode de vie et de leur personnalité, l'industrie du transport et de la mobilité (T&M) subit une pression de plus en plus forte pour personnaliser davantage les véhicules qu'elle propose. Ce changement demande aux constructeurs, OEM et fournisseurs, de se montrer beaucoup plus agiles et réactifs. Aujourd’hui, de nouvelles solutions logicielles de digitalisation globale de l'entreprise aident les professionnels à anticiper les demandes des clients et à collaborer efficacement pour parvenir à une customisation de masse.

Cummins est connu avant tout pour ses moteurs de camions et de bus. Mais l'entreprise, implantée dans l'Indiana, propose un large catalogue de moteurs pour les cargos, les engins de construction, de forage et d'exploitation minière, les camions de pompiers et les équipements agricoles, qu'elle adapte pour le travail dans les champs de maïs américains, les vergers de noix au Brésil et les fermes maraîchères en Corée.

Comment fait-elle pour desservir autant de marchés spécialisés ? Elle peut produire simultanément jusqu'à 200 moteurs différents sur ses chaînes de montage, ce qui fait de Cummins l'un des rares acteurs dans l'industrie mondiale de la fabrication automobile à être capable de fabriquer des produits adaptés aux besoins de chaque client, un modèle connu sous le nom de « customisation de masse ».

Les constructeurs automobiles sont soumis à une forte pression pour suivre la voie tracée par Cummins. Si les produits ont largement évolué depuis l'époque où Henry Ford, le pionnier de la production de masse, plaisantait en disant que les clients pouvaient avoir le modèle T dans n'importe quelle couleur, du moment que c'était le noir, les consommateurs d'aujourd'hui, qui ont le choix entre les produits de dizaines de fabricants, sont de plus en plus exaspérés par la standardisation des automobiles.

En fait, la palette de préférences des clients auxquelles les fabricants peuvent répondre a explosé. Mais à une époque où la fonction de nombreux produits peut être changée par une simple commande vocale, le degré de customisation auquel un consommateur peut prétendre sur la plupart des véhicules se limite à la couleur, à la garniture, aux jantes, aux systèmes audio et à une poignée d'autres

LE MIX AND MATCH

« Il y a plusieurs degrés de customisation de masse », explique Rachel A. Lecrone, directrice des systèmes de fabrication chez Cummins. « Le but ultime de la customisation de masse est l'ingénierie à la demande, c'est-à-dire la customisation d'un produit à 100 % pour un seul client. Bien qu'il en existe quelques exemples, la plupart de nos lignes sont configurées de manière à pouvoir combiner des milliers d'options et construire ce qu'il faut construire. »

Rachel A. Lecrone, qui travaille depuis 23 ans chez Cummins, affirme que l'entreprise a fait preuve d'une grande détermination pour connecter tous ses systèmes de contrôle de la conception, de l'ingénierie, des caractéristiques des produits, de l'exécution industrielle, de la fiabilité et des commandes des clients. L'objectif : créer un processus digital unique offrant une visibilité de bout en bout pour chaque discipline.

Ces objectifs ont permis à l'entreprise de créer des jumeaux numériques de ses produits et de ses processus afin d'étudier s'il est possible de fabriquer un produit particulier de façon raisonnablement rentable.

« Nous essayons de passer au concept de jumeau numérique et de tirer parti des capacités solides de modélisation où l'on prend un exemplaire du produit pour l'intégrer dans l'un de nos processus », avance Rachel A. Lecrone. Les jumeaux numériques permettent à Cummins de tester sur le plan digital plusieurs options pour un nouveau produit, et d'identifier la meilleure option sans avoir à fabriquer des prototypes physiques à la fois coûteux et longs à réaliser.

RÉEL ET VIRTUEL

Les constructeurs doivent non seulement répondre aux demandes de customisation des clients, mais aussi faire face à une augmentation prévisible de la complexité des assemblages automobiles. Une même chaîne de montage, sur laquelle on fabriquait autrefois un seul modèle de voiture essence, devra bientôt produire des véhicules traditionnels et autonomes, dotés de différentes motorisations à essence, électriques et hybrides, ou encore des véhicules spécialement conçus pour satisfaire l'usage intensif lié aux services de covoiturage.

Les fabricants qui veulent se lancer dans la customisation de masse en usine sans avoir au préalable digitalisé les processus de conception, d'ingénierie et de fabrication de leurs véhicules trouveront que « les coûts sont astronomiques », prédit Michael Grieves, directeur exécutif du Center for Advanced Manufacturing and Innovative Design de l’Institut technologique de Floride, à Melbourne (Floride).

Cummins peut produire simultanément jusqu'à 200 moteurs différents sur ses chaînes de montage, ce qui en fait l’un des leaders de la customisation de masse. (Image © Cummins)

Cette démarche nécessiterait, par exemple, de stocker des milliers de pièces variées pour des milliers de véhicules différents, soit un énorme gaspillage d'espace et de capitaux, sans parler des difficultés de design et d'ingénierie.

« Nous devons trouver comment gérer ce processus virtuellement », affirme Michael Grieves. « L'idée générale consiste à ce que l'usine virtuelle et l'usine réelle fusionnent et collaborent pour, dans un premier temps, modéliser et simuler les produits et, dans un second temps, lancer virtuellement une production pour garantir que tout fonctionne. C'est le seul moyen pour que la customisation de masse fonctionne. »

Le terme de jumeau numérique désignait autrefois le double virtuel d'un produit physique, mais ce concept s'est élargi à l'ensemble du processus de production. Il peut en fait y avoir deux groupes de jumeaux : les produits et les processus.

Selon Rachel A. Lecrone, l'une des étapes clés pour Cummins a consisté à rapprocher les concepteurs, les ingénieurs et les fabricants. Les logiciels les y ont aidés.

« Nous avons réalisé que différents groupes apprécient de travailler ensemble », observe-t-elle. « Le tout, c'est de faire en sorte que les nouveaux outils soient mis en place de manière sûre et fiable. Sinon, ils ne seront pas utilisés. »

Rachel A. Lecrone se dit impatiente d'observer les gains potentiels qu'offrent les techniques de modélisation digitale utilisées pour définir la façon dont un produit sera concrètement fabriqué.

« Une fois en phase de production, on peut voir le résultat et comparer les données et informations réelles provenant de la ligne de production avec les prédictions théoriques de fonctionnement de ces lignes », explique-t-elle. Par exemple, si un poste de travail donné est identifié comme un goulot d'étranglement, les données de production peuvent être analysées rapidement dans le modèle digital pour déterminer si cette tâche est trop difficile pour l'employé, s'il y a un problème sur les équipements de production ou si un fournisseur a livré des composants de mauvaise qualité.

« Le fait de disposer de ces informations sur une seule et même plate-forme digitale permet de résoudre rapidement les problèmes », affirme-t-elle.

L'APTITUDE À L'EMPLOI

Stephane Crosnier, directeur exécutif, stratégie de la chaîne d'approvisionnement, des opérations et du développement durable pour Accenture, à Paris, explique que certains fabricants cherchent des raccourcis pour éviter les dépenses liées à l'intégration complète de leurs systèmes centraux.

« Nous constatons que certains fabricants mettent en place des plates-formes, des sortes de tours de contrôle entre leurs autres systèmes », signale Stephane Crosnier. « Ces plates-formes favorisent ensuite l'intégration. »

Mais l'intégration de leurs activités internes n'est pas le défi le plus difficile pour les fabricants. Pour parvenir à la customisation de masse, ils doivent aussi bénéficier d'une meilleure visibilité sur les zones d'engorgement de la production au sein de toutes les usines de leur réseau d'approvisionnement. Lorsque l'absence d'un simple composant critique peut arrêter une ligne de production, les équipementiers doivent aussi être en mesure de compenser les aléas des processus de leurs fournisseurs.

Le secteur est bien conscient de ce défi. D'après une étude réalisée par Accenture en 2018, intitulée « Architecting the 2025 Supply Chain », 79 % des cadres industriels estiment que le seul moyen de répondre aux demandes de produits plus personnalisés et de délais de traitement des commandes plus courts exprimées par les clients est de s'assurer que les chaînes d'approvisionnement sont « aptes à l'emploi ».

Dans la mesure où il est probable que les fournisseurs s'approprient une partie des capacités de production anciennement réservées aux équipementiers, l'importance du partage des informations relatives aux plans de production sur des plates-formes digitales dédiées ne peut que s'accentuer. « Cela améliorera nettement les capacités de collaboration entre les diverses parties prenantes de la chaîne d'approvisionnement », souligne Stephane Crosnier.

Si les fournisseurs peuvent savoir ce que les consommateurs attendent, mais aussi ce qu'un fabricant prévoit de produire, ils pourront adapter leurs propres plans de production en conséquence. Ce n'est qu'à cette condition que l'écosystème de fabrication deviendra parfaitement adapté aux demandes des clients.

Cela contredit complètement le modèle d'Henry Ford : des consommateurs qui peuvent avoir tout ce qu'ils veulent. Voilà qui est dit.

Pour en savoir plus sur le passage de la personnalisation de masse à la customisation de masse, consultez : go.3ds.com/alH

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