Blockchain et chaîne d’approvisionnement

Le registre distribué simplifie les processus de la chaîne d'approvisionnement

Charles Wallace
1 July 2018

5 minutes

La blockchain, la technologie sur laquelle reposent les cryptomonnaies, est en voie de simplifier la chaîne d'approvisionnement enrayée par la paperasserie. En suivant digitalement chaque transaction sous une forme qui, en théorie, ne peut être ni falsifiée ni modifiée, la blockchain pourrait supprimer la nécessité d'une chaîne d'approvisionnement sécurisée pour toutes les holdings financières, des banques aux services comptables des entreprises.

Li & Fung, une entreprise d'approvisionnement implantée à Hong Kong travaillant pour un certain nombre de marques internationales, surveille les interactions entre des milliers de fournisseurs et de clients. Elle subit un énorme fardeau administratif. Mais, en 2017, Li & Fung a testé une nouvelle technologie pour suivre les commandes des clients le long de la chaîne d'approvisionnement : la blockchain, une solution qui a considérablement amélioré la visibilité et réduit le temps et les efforts nécessaires.

La blockchain est une base de données distribuée sur les ordinateurs de tous ses membres ou tous les participants de la chaîne d'approvisionnement, si bien que le registre se développe à mesure que le nombre d'utilisateurs augmente. Lorsque du minerai de fer, un épi de maïs ou un t-shirt est échangé entre deux entreprises qui font partie d'une blockchain, le système l'enregistre.

Chaque transaction crée un identifiant digital unique, enregistré sous forme cryptée dans un bloc de données. Lorsque la prochaine transaction portant sur ce produit est effectuée, par exemple l'expédition de l'article, les données sont entrées dans un autre bloc. Ce bloc est alors enchaîné au premier bloc de données, d'où le nom de chaîne de blocs (blockchain).

La technologie du registre distribué enregistre des informations détaillées sur la chaîne d'approvisionnement, de manière sécurisée et permanente. Par exemple, il est possible de vérifier si un fournisseur chinois a suffisamment de tissu violet en stock pour honorer une commande de maillots de football, de noter à quel moment la commande est expédiée à l'atelier de couture et de confirmer automatiquement que les maillots ont été envoyés.

Les partisans de la blockchain affirment que cette technologie changera irrémédiablement la façon dont les individus et les entreprises échangent des marchandises et de l'argent. Elle risque de révolutionner de nombreuses industries où il est essentiel d'assurer la fiabilité des divers intervenants, notamment les services financiers, le financement du commerce extérieur, les systèmes d'achat, la fabrication, la facturation dans les services publics, les registres gouvernementaux et la chaîne d'approvisionnement.

International Data Corporation, fournisseur mondial de renseignements, estime que l'investissement dans des logiciels de blockchain atteindra 2,1 milliards de dollars US (soit 1,79 milliard d'euros) en 2018, avec un taux de croissance annuel composé de 81 %, pour atteindre 9 milliards de dollars US (soit 7,79 milliards d'euros) en 2021.

« Contrairement aux logiciels de gestion de la relation client, qui se trouvent sur les ordinateurs de l'entreprise, la blockchain permet d'automatiser les workflows au-delà de ses frontières, avec les fournisseurs et clients », explique Shawn Muma, qui dirige la recherche sur la blockchain au Digital Supply Chain Institute. Cet institut, qui fait partie du Center for Global Enterprise à New York, a mis en place l'étude pilote chez Li & Fung. « À mesure que nous avançons, vous verrez que la chaîne d'approvisionnement est l'endroit où la technologie de blockchain s'applique le mieux. »

UN REGISTRE QUE PERSONNE NE CONTRÔLE

La technologie de blockchain est le fruit du travail de Satoshi Nakamoto, l'inconnu qui a eu le génie d'inventer la cryptomonnaie Bitcoin. Bien que le Bitcoin lui-même se soit embourbé dans la controverse, les entreprises ont réalisé que la technologie sous-jacente pourrait être un moyen ingénieux de suivre les mouvements mondiaux de marchandises et de devises dans le monde réel.

Pour lire les données cryptées, les utilisateurs ont besoin d'une clé appelée hashkey. En théorie, les données ne peuvent pas être modifiées parce qu'elles sont répliquées sur le système informatique de chaque participant. Dès lors, tout changement sur un système apparaît immédiatement sur les autres. Ensuite, le registre étant protégé par une cryptographie avancée, il est difficile de le pirater.

En éliminant les problèmes de confiance qui ont donné naissance aux banques, aux maisons de courtage et aux services comptables, les experts prévoient que la blockchain a le potentiel de les rendre tous obsolètes.

« Dans le monde d'aujourd'hui, la plupart des entreprises possèdent énormément de données et passent beaucoup de temps à les réconcilier avec d'autres organisations », explique David Dalton, partenaire stratégique et opérationnel au sein du cabinet-conseil Deloitte à Dublin. « La blockchain permet à plusieurs entreprises de partager des données de manière sûre, sécurisée et immuable. »

UN SUIVI DES EXPÉDITIONS MONDIALES

De fait, la blockchain se prête si bien aux problématiques des chaînes d'approvisionnement qu'A.P. Møller-Mærsk, la première compagnie maritime au monde, a créé une société de blockchain commune avec IBM pour suivre les conteneurs qui passent par les ports et les douanes du monde entier et représentent un trafic mondial annuel de 7 000 milliards de dollars US (6 600 milliards d'euros). Walmart, le plus grand détaillant physique américain, a établi une blockchain pour suivre les produits alimentaires de ses milliers de fournisseurs, afin de répondre en quelques secondes aux questions sur l'origine des produits.

Sans surprise, les prestataires de services financiers regardent avec méfiance l'évolution de la blockchain, car ils y voient une possible remise en question de leur rôle d'intermédiaires de confiance dans les transactions. Par exemple, lorsqu'une entreprise reçoit une facture de la part d'un fournisseur étranger, le service des achats doit demander à sa banque d'effectuer un paiement en devises, tandis que la blockchain peut être configurée pour exécuter automatiquement le paiement lorsqu'une certaine transaction a lieu, par exemple lorsque les articles arrivent en douane.

Malgré cette menace, les sociétés financières sont celles qui investissent le plus dans le développement de la blockchain, qu'elles voient principalement comme un moyen de simplifier leurs formalités administratives, explique William Mougayar, un entrepreneur de Toronto qui vient publier un livre intitulé The Business Blockchain: Promise, Practice, and Application of the Next Internet Technology.

« La blockchain est une appli géniale qui donne un coup de pied dans la fourmilière de la finance », insiste Mougayar.

EST-CE LA FIN DES COMPTABLES ?

La blockchain se décline aujourd'hui en plusieurs versions, notamment Bitcoin Ethereum et la plate-forme open source Hyperledger, que de nombreuses entreprises sont en train d'adopter à des fins privées. Bitcoin est une chaîne de blocs publique, mais la plupart des entreprises voudront probablement utiliser une chaîne de blocs privée pour sécuriser l'accès aux données, selon Rob Handfield, professeur de gestion de la chaîne d'approvisionnement à l'Université d'État de Caroline du Nord, à Raleigh.

Rob Handfield estime que la blockchain pourrait remplacer le système inefficace actuel d'appel d'offres et de paiement basé sur les bons de commande, les factures et les paiements des produits et services.

La blockchain facilite les paiements et rend ainsi possibles les contrats dits intelligents. Par exemple, un expéditeur envoie une pièce depuis la Chine vers une usine aux États-Unis. Au lieu d'envoyer une facture, un contrat intelligent paie automatiquement le fournisseur dès que la blockchain enregistre la réception de la pièce.

« Imaginons que vous avez des magasins Walmart et Best Buy et qu'ils s'approvisionnent tous les deux auprès des mêmes fournisseurs. Ils peuvent utiliser une blockchain commune, à laquelle pourront également participer Sony, Apple et d'autres fabricants », déclare Rob Handfield. « Chaque participant peut préciser qui a accès à quelle information », ajoute-t-il.

Tous les jours ou presque, de nouvelles utilisations de la blockchain voient le jour, y compris des activités aussi diverses que le vote infalsifiable ou la collecte de points de fidélité pour les compagnies aériennes. Comme pour la Toile il y a dix ans, un processus darwinien de survie va probablement produire des gagnants, des perdants et des applications que l'on n'imagine même pas pour cette technologie.

D'ici là, la blockchain surveillera une multitude de transactions complexes et permettra aux entreprises de réduire la paperasse, d'effectuer des paiements et d'optimiser leurs services en interne, comme les achats et la chaîne d'approvisionnement. Plutôt impressionnant ! Surtout lorsque ladite solution peut aussi prouver que votre envoi tant attendu en provenance de Chine a été expédié à temps.

Pour plus d’informations sur la blockchain, rendez-vous : http://go.3ds.com/bEnX

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