Pour un ciel plus propre

Afin de proposer des avions véritablement plus propres, l'industrie doit répondre à des objectifs ambitieux de réduction des émissions de carbone.

Tony Velocci
18 December 2020

5 minutes

L'aviation commerciale a réalisé d'importantes avancées en matière de réduction des émissions de carbone, et les recherches visant à identifier de nouvelles pistes d'amélioration ne cessent d'augmenter. Cependant, les choses n'évoluent peut-être pas assez rapidement pour atteindre les objectifs de réduction à long terme. Comment l'industrie va-t-elle s'adapter pour booster le rythme ?

Il y a 50 ans, l'industrie de l'aviation se concentrait sur la vitesse et les capacités, qui ont toutes deux englouti des volumes élevés de combustibles et produit des gaz à effet de serre en grande quantité. Mais aujourd'hui, l'industrie effectue un virage à 180 degrés vers le développement durable et les économies de carburant.

Les avions de ligne construits par Airbus et Boeing ont réduit leur consommation de carburant de 70 % au cours des 50 dernières années. Parallèlement, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont chuté de 80 % et les émissions d'oxyde d'azote de 90 %. Les avions de ligne sont également 75 % plus silencieux, en grande partie grâce aux technologies avancées utilisées dans la conception des moteurs et des matériaux.

Par conséquent, pour chaque mile parcouru par passager, les gros avions commerciaux sont plus écologiques que presque tous les autres modes de transport, même avec une augmentation massive de la demande de voyages. Aujourd'hui, les émissions de CO2 dans l'aviation représentent environ 2 % des émissions mondiales totales de dioxyde de carbone.

« L'industrie évolue plus vite que ce que l'on aurait pu imaginer, surtout en ce qui concerne les nouvelles technologies », affirme Amanda Simpson, vice-présidente de la recherche et de la technologie pour Airbus Americas.

Toutefois, si l'aviation veut contribuer à la réduction des émissions pour respecter l'accord de Paris sur le changement climatique, elle doit réduire ses émissions de carbone de 80 % d'ici 2050. Cela lui permettrait d'arriver à une réduction de moitié de ses émissions par rapport à 2005. Bien que le trafic aérien ait été considérablement affaibli en raison de la pandémie de COVID-19, la demande devrait reprendre dans trois à cinq ans et continuer de croître. Il est donc nécessaire de réduire les émissions, mais aussi d'ajouter des milliers de nouveaux avions – bien plus écologiques – à la flotte mondiale, au cours des 15 à 20 prochaines années.

Notre objectif est d'obtenir des avions neutres en carbone en 2035 au lieu de 2050.

Bruno Le Maire
, ministre de l'Économie et des Finances, France

Tous les fabricants aéronautiques sont à la recherche de solutions. Entre 2012 et fin 2019, par exemple, le projet ecoDemonstrator de Boeing, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie de croissance durable à long terme de l'entreprise, a utilisé un appareil 777-200 pour tester 50 technologies discrètes de rendement énergétique.

« Nous restons pleinement engagés dans le programme ecoDemonstrator et procédons à des tests supplémentaires sur plusieurs plates-formes afin de favoriser l'innovation et d'assurer des vols plus durables », explique un représentant de Boeing.

LA PROGRESSION SERA-T-ELLE ASSEZ RAPIDE ?

Bien que de telles initiatives permettent à l'industrie d'atteindre des taux moyens de réduction de la pollution de 1 % à 1,5 % par an, cela n'est pas suffisant, affirme Paul Stein, directeur de la technologie chez Rolls-Royce. « Actuellement, nous n'allons pas assez vite pour réduire les émissions nettes de CO2. Nous devons aller plus loin. »

Amanda Simpson d'Airbus confirme son point de vue : « Si l'on regarde la courbe de croissance sur le long terme, l'industrie n'atteindra pas l'objectif de 2050. Nous devons déployer tous nos efforts pour innover. »

Avec le ralentissement du transport aérien dû à la pandémie de COVID-19 et aux interdictions de voyager, le gouvernement français a annoncé un plan de développement d'appareils fonctionnant à l'hydrogène, qui devrait se dérouler sur une douzaine d'années. (Image © Bruno Saint-Jalmes, avec l'aimable autorisation d'Airbus)

Pour booster le rythme, les solutions de développement durable en cours d'élaboration incluront de larges gammes de technologies. Cela permettra de concevoir des avions plus légers et plus aérodynamiques, et de déployer des systèmes de gestion du trafic aérien nouvelle génération, afin que les transporteurs commerciaux puissent emprunter des itinéraires de vol plus directs, brûler moins de carburant et générer moins d'émissions pour chaque mile parcouru, par passager.

Les nouvelles sources de carburant font également l'objet d'une attention toute particulière. En effet, les constructeurs aéronautiques Airbus, Boeing, Dassault Aviation, General Electric, Rolls-Royce, Safran et United Technologies (devenu Raytheon Technologies après avoir fusionné avec Raytheon) travaillent de concert dans ce domaine depuis la conclusion en 2009 d'un accord sur le développement durable.

« Nous devons démocratiser et booster l'utilisation de carburants durables », a déclaré Paul Stein, lors de la conférence International Society for Air-Breathing Engines qui s'est tenue à Canberra, en Australie.

Greg Hyslop, directeur de la technologie chez Boeing, ajoute : « Concernant la question du carburant, nous devons mettre en place des incitations pour l'industrie pétrolière, et veiller à ce que cela soit fait tout de suite. »

Lors des premières phases de développement, des piles à combustible hydrogène pourraient également alimenter certains segments de vol des appareils commerciaux.

Le gouvernement français, par exemple, prévoit d'investir 15 milliards d'euros sur trois ans pour soutenir la recherche sur des technologies plus respectueuses de l'environnement, afin de développer un successeur à hydrogène pour l'Airbus A320.

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Le pourcentage de réduction des émissions de carbone que le secteur de l'aviation doit atteindre d'ici 2050 pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions dans le cadre de l'accord de Paris.

« Notre objectif est d'obtenir des avions neutres en carbone en 2035 au lieu de 2050 », affirme Bruno Le Maire, ministre français de l'Économie et des Finances. Les dirigeants de l'industrie, quant à eux, doutent qu'un changement radical des moteurs classiques soit réaliste pour une mise en service d'ici 2035. Cependant, les entreprises investissent plus que jamais leur budget R&D dans la décarbonisation de l'aviation commerciale, et cette dynamique va en s'intensifiant.

Après une étude de six mois sur l'utilisation de l'hydrogène comme combustible principal pour l'aviation, le cabinet de recherches et d'analyse McKinsey a conclu en juin 2020 que le développement d'un avion neutre en carbone d'ici 2035 est possible, malgré les défis et difficultés que cela pose. L'étude portait sur l'hydrogène liquide, jugée mieux adaptée à la plupart des appareils.

Le gouvernement allemand estime également que l'hydrogène pourrait jouer un rôle majeur dans la décarbonisation du transport aérien civil. Il a investi 6,8 milliards d'euros dans sa stratégie nationale en matière d'hydrogène. L'objectif ? Soutenir l'utilisation de l'hydrogène dans la propulsion des avions et les vols hybrides électriques.

Les initiatives en France et en Allemagne s'alignent sur les objectifs de la Commission européenne, annoncés plus tôt en 2020, qui visent à lancer une Alliance européenne pour un hydrogène propre. Cette alliance s'inscrit au cœur d'une nouvelle stratégie pour booster la décarbonisation et la digitalisation des industries en Europe occidentale.

FAVORISER LES AVANCÉES TECHNOLOGIQUES, EN TOUTE SÉCURITÉ

Le développement de combustibles plus durables n'est pas le seul objectif de l'industrie. Les principaux acteurs se concentrent sur la propulsion électrique et hybride électrique pour les avions légers et véhicules de démonstration à grande échelle, qui sont ceux qui affichent les progrès les plus significatifs dans le secteur.

En 2017, par exemple, Airbus et Rolls-Royce ont reconnu que les technologies émergentes pour l'avenir de l'aviation – y compris les batteries et les moteurs électriques – pourraient jeter les bases d'un développement exponentiel de la propulsion non traditionnelle, et ont lancé un projet intitulé E-Fan X. Il a été progressivement abandonné au début de l'année 2020, mais Amanda Simpson estime que les connaissances acquises dans le cadre de ce projet sont inestimables et serviront de solution à moyen terme pour relever le défi de l'aviation durable. « Notre objectif est d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2035 », affirme-t-elle.

Bien qu'optimiste, Amanda Simpson souligne qu'Airbus ne sacrifiera pas la sécurité au prix de la rapidité et prendra le temps qu'il faut pour déployer de nouvelles technologies : « La sécurité est au cœur de toutes nos actions », déclare-t-elle.

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