Les enseignes de mode sont habituées à la pression générée par la demande volatile des consommateurs. Mais ces derniers, grâce à un accès sans précédent aux opérations des marques et à la couverture médiatique de certains événements (comme l’effondrement de l’usine du Rana Plaza en 2013 au Bangladesh), examinent de plus près la chaîne d’approvisionnement du secteur.
« La demande croissante de normes sociales et environnementales plus strictes a accentué le besoin de transparence de la chaîne d’approvisionnement aux États-Unis et en Europe, touchant les secteurs du textile et de l’habillement », explique Maximilian Martin, fondateur d’Impact Economy, entreprise suisse de stratégie et d’investissement d’impact, présent en Amérique du Nord et du Sud.
UN PARI COMPLEXE
Garantir une certaine durabilité représente un défi pour les marques de vêtements. Elles doivent comprendre comment chaque étape de la chaîne d’approvisionnement peut influencer les individus, les communautés et l’environnement, afin d’éviter les réactions hostiles des consommateurs vis-à-vis de leurs produits.
« Les chaînes d’approvisionnement internationales sont difficiles à gérer pour les entreprises engagées dans le commerce éthique », déclare Esme Gibbins, directrice des médias et des communications de l’Ethical Trading Initiative (ETI), une alliance internationale d’entreprises, de syndicats et d’organisations non gouvernementales qui vise à promouvoir le respect des droits des travailleurs. « Par exemple, les problèmes relatifs au droit du travail qui pèsent sur de nombreuses chaînes d’approvisionnement sont très enracinés, trop répandus et trop complexes pour qu’une marque ou un distributeur puisse les affronter seuls. »
DES ENGAGEMENTS VISIBLES
Les grandes marques oeuvrent pour la durabilité grâce aux outils et codes de conduite fournis par des organisations comme l’ETI, Sustainable Apparel Coalition et Solidaridad. « Le propre du commerce éthique est de collaborer avec d’autres entreprises et parties prenantes pour apporter des améliorations pérennes et partager les progrès », affirme E.Gibbins.
Ainsi, grâce au lancement de son Plan A 2020, la marque britannique Marks & Spencer a étendu son business plan durable à l’ensemble de ses opérations mondiales. Outre leurs engagements individuels en matière de durabilité, le suédois H&M et Inditex, le groupe espagnol derrière Zara, se sont engagés à améliorer les conditions de sécurité dans les usines et à éliminer les fibres provenant de forêts menacées par leurs vêtements en fibres synthétiques. Les rapports de durabilité sont de plus en plus courants dans l’industrie de la mode ; des systèmes informatiques de pointe leur donnent la visibilité nécessaire pour mesurer leurs progrès. « Un industrie de la mode durable suppose des efforts pour définir des objectifs et une évaluation cohérente par rapport à ces objectifs », affirme Leslie Hand, directrice de recherche pour la société de conseil internationale IDC Retail Insights. « Les services informatiques des logisticiens favorisent ce travail en offrant une visibilité sur les audits d’usine avant que les commandes ne soient passées, les sources d’approvisionnement des matériaux, les marchandises en transit, ainsi que sur les données relatives à l’empreinte carbone des marchandises, de manière à pouvoir la calculer. »
« NOUS DEVONS ENVISAGER LA DURABILITÉ COMME UN ÉLÉMENT CLÉ DE RÉUSSITE DES ENTREPRISES ET CRÉER DE LA VALEUR À LONG TERME POUR LA SOCIÉTÉ. »
MAXIMILIAN MARTIN
FONDATEUR, IMPACT ECONOMY
De nombreux progrès sont réalisés pour assurer la durabilité de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. « Du point de vue de la conception, être durable c’est produire des vêtements tout en préservant la nature, en utilisant des fibres naturelles ou recyclées, réduire les déchets et limiter l’utilisation d’eau et d’énergie », ajoute L. Hand. « Le PLM (Product Lifecycle Management) permet une conception efficace, une diminution des déchets et une réduction de l’échantillonnage. Les solutions analytiques aident les entreprises à concevoir efficacement les produits qui seront mis en vente, réduisant ainsi la mise en décharge. »
Évaluer les répercussions tout au long du cycle de vie des vêtements ou des chaussures requiert un effort de collaboration pour collecter les données dans l’ensemble de la chaîne de valeur. Le PLM permet aussi aux fournisseurs, aux marques et aux distributeurs de s’associer sur une plateforme commune soutenant une économie plus durable et circulaire.
PROPRE ET EFFICACE
Les systèmes qui favorisent la durabilité peuvent aussi apporter des avantages commerciaux. Dans son rapport intitulé « Supply Chain Top 25 for 2014 », la société de conseil internationale Gartner faisait état des technologies qui soutiennent le rythme de croissance agressif d’H&M, le prototypage et les délais de commercialisation d’Inditex, en reconnaissant les engagements de durabilité de ces sociétés. Selon le rapport, « la chaîne d’approvisionnement intégrée d’Inditex/Zara exploite aussi les réseaux sociaux et la rareté du produit pour sentir et influencer la demande ». L’étude a également identifié que la chaîne d’approvisionnement d’H&M est un « instrument indispensable » de la croissance de la marque.
« La durabilité permet de créer de la valeur », affirme M. Martin. « La consommation d’eau dans la production de vêtements pourrait être diminuée de moitié, l’énergie d’un tiers et l’utilisation de produits chimiques d’un cinquième. Ces changements pourraient dégager une importante valeur ajoutée et, à l’aide de techniques de gestion moderne, fournir la base économique nécessaire pour améliorer les conditions de travail et l’empreinte écologique. Pour franchir cette nouvelle étape dans la production, nous devons envisager la durabilité comme un élément clé de réussite des entreprises et créer de la valeur à long terme pour la société. » ◆