En 2013, près d’une personne sur quatre (soit 1,73 milliard d’individus) utilise les réseaux sociaux. Ce chiffre devrait atteindre 2,55 milliards d’ici 2017 d’après la société d’études de marché new-yorkaise eMarketer, spécialisée dans les médias numériques. Ces utilisateurs sont des consommateurs qui, grâce à la technologie mobile, peuvent partager leur opinion en quelques secondes, et les marques réalisent qu’elles doivent prendre part au dialogue.
Les entreprises qui parlent sur les médias sociaux sans écouter et en pâtissent sont légion. La chaîne de restauration rapide McDonald’s, la compagnie aérienne British Airways et l’enseigne de prêt-à-porter Abercrombie & Fitch ne sont que quelques-unes des victimes de leurs clients sur Twitter et Facebook.
« L’ère numérique a mis fin aux flux d’informations à sens unique, caractéristiques d’une époque où les canaux de communication étaient moins nombreux », affirme Gregory Carpenter, directeur de Kellogg Markets and Customers Initiative (KMCI) à l’Université Northwestern aux États-Unis. « Les sociétés et les consommateurs participent à des discussions improvisées à travers divers médias sociaux. » Ces discussions sont risquées et bénéfiques, explique-t-il. « Les dirigeants ont réalisé que n’importe qui pouvait provoquer une crise simplement en cliquant sur “envoyer”. En même temps, les activités sur les médias sociaux engrangent des quantités de données qui permettent de mieux comprendre la vie des consommateurs. »
STRATÉGIE DE RÉUSSITE
Un rapport récent du consultant londonien Buyapowa révèle qu’une grande entreprise dépense en moyenne US$19 millions par an en médias sociaux, mais nombreuses sont celles qui n’ont pas encore conscience de la faculté de ces médias d’impliquer les consommateurs.
« LES DIRIGEANTS ONT RÉALISÉ QUE N’IMPORTE QUI POUVAIT PROVOQUER UNE CRISE SIMPLEMENT EN CLIQUANT SUR “ENVOYER”. »
GREGORY CARPENTER
DIRECTEUR, KELLOGG MARKETS AND CUSTOMERS INITIATIVE, UNIVERSITÉ NORTHWESTERN
Buyapowa distingue trois étapes de maturité sociale : réunir un public, nouer le dialogue avec la communauté et créer un circuit de vente sur les réseaux sociaux. Si bon nombre de marques en sont encore à la première étape, Buyapowa identifie BrewDog, brasseur artisanal écossais, comme un précurseur de la troisième étape.
« Aujourd’hui, tout le monde a son mot à dire en ligne et il serait insensé de l’ignorer », déclare Sarah Warman, directrice du marketing numérique chez BrewDog. BrewDog fait aussi participer ses consommateurs : ils jouent un rôle dans le développement et l’appellation des nouvelles bières, choisissent les images qui orneront les étiquettes, les affiches et les t-shirts. « Nos adeptes sur les réseaux sociaux ont déterminé toutes les composantes de notre bière #MashTag, première bière au monde créée par et pour les consommateurs depuis maintenant deux ans », raconte-t-elle. « Nous avons collecté plus de US$11,7 millions grâce à notre plateforme de crowdfunding. Nous avons désormais plus de 4 000 actionnaires, une incroyable communauté d’individus qui s’expriment et s’impliquent dans nos bières, notre entreprise et notre brasserie. »
VALORISER LA MARQUE
LEGO Group, basé au Danemark, illustre aussi le rôle des médias sociaux dans la valorisation de la marque. LEGO est passé d’une marque de jouets démodée en difficulté à une marque de US$4,5 milliards de chiffre d’affaires en 2013.
« La marque doit exister dans l’esprit du consommateur », affirme Peter Espersen, directeur de la co-conception pour LEGO Group, lors du Festival of Media Global à Rome. LEGO sollicite la participation de ses fans sur les réseaux sociaux et sur ses propres sites communautaires, comme le forum de discussion de Brikipedia et le site de crowdsourcing LEGO Ideas, sur lequel les passionnés soumettent des propositions sur de nouveaux ensembles et votent pour ceux qu’ils souhaitent voir en production. Le site ReBrick offre aussi un aperçu du meilleur de LEGO sur le Web en partageant des liens vers des images et des vidéos provenant de sites variés.
Pour P. Espersen, LEGO considère qu’il appartient à un écosystème où la valeur est créée par la marque et ses utilisateurs. « Les utilisateurs sont devenus des concepteurs qui comblent les vides laissés par LEGO », expliquet-il.
VENTE ET SERVICE
Faire « aimer » la marque aux consommateurs est un bon début, mais un service réactif est essentiel à un dialogue fécond entre une marque et ses consommateurs. Une étude récente réalisée sur des consommateurs britanniques par le service de médiation indépendant Ombudsman Services, basé au Royaume-Uni, révèle que plus d’un quart des clients qui ont émis une plainte au sujet d’un produit ou d’un service l’ont partagée sur les réseaux sociaux.
Une réaction rapide et utile aux questions et aux plaintes peut donner lieu à des recommandations. Par exemple, un coup d’oeil sur le compte Twitter de LEGO montre la réactivité des réponses aux demandes et les tweets qui font l’éloge du service à la clientèle de la marque. Des consommateurs insatisfaits auront tendance à faire part de leurs frustrations au monde entier.
« De nombreux consommateurs utilisent la présence d’une marque sur les réseaux sociaux comme un service clients public facile d’accès », déclare Ed Gray, directeur du service à la clientèle de VCG Promorisk, entreprise britannique de gestion des risques promotionnels. « Il est capital de soutenir correctement les fonctions de traitement et de service à la clientèle de manière à pouvoir offrir une réponse immédiate sur ces canaux afin que les consommateurs sachent que vous cherchez à résoudre les problèmes rapidement. »
La mise en place d’un dialogue avec les consommateurs n’est pas simple, mais elle est enrichissante. «Adopter une stratégie centrée sur le consommateur n’est ni aisé, ni rapide, mais impératif», affirme G. Carpenter de la KMCI. «Les entreprises qui ne s’adaptent pas auront du mal à survivre.» ◆