Réduire les émissions de CO2 à l’horizon 2021

Des innovations rentables pour arriver à la neutralité carbone

Jacqui Griffiths
18 December 2020

7 minutes

D'ici 2021, chaque constructeur automobile vendant des véhicules en Europe devra s'assurer que 95 % de sa flotte émet moins de 95 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre – dans le cas contraire il sera passible d'amendes pouvant s'élever à plusieurs milliards d'euros. À mesure que les entreprises cherchent des solutions pour atteindre cet objectif, elles trouvent également les moyens d'innover et de se développer dans le cadre d'une industrie des transports et de la mobilité plus verte.

Réduire de 20 % les émissions de CO2 d'une flotte entière en un an peut paraître ambitieux, mais Oliver Zipse, PDG du constructeur automobile allemand BMW, est convaincu que son entreprise peut y parvenir.

« Rien que cette année, nous avons progressé d'environ 20 % en Europe », a expliqué Oliver Zipse lors d'une conférence du secteur au début de l'année 2020.

L'un des principaux moteurs de cet engagement réside dans l'échéance imminente de réduction des émissions de l'Union européenne fixée à 2021, mais également dans la perspective de réglementations à venir encore plus strictes. Les réglementations obligent les constructeurs automobiles à faire un choix difficile parmi ces trois options :

RÉPONDRE À LA DEMANDE DU MARCHÉ

Le portefeuille croissant de véhicules électriques de BMW jouera un rôle majeur dans l'atteinte de son objectif de réduction des émissions. D'après Oliver Zipse, l'entreprise prévoit dans les années à venir de faire passer ses ventes de véhicules électriques au niveau supérieur. De 8,6 % des ventes de l'UE en 2019, elles devraient passer à 25 % en 2021, 30 % en 2025 et 50 % en 2030.

« Un produit n'a de raison d'être que si un client en a besoin, le désire et l'utilise. C'est pourquoi nous nous concentrons sur ce que nos clients, en tant que citoyens de cette planète, voudront à l'avenir ».

Oliver Zipse, PDG, BMW

L'entreprise n'est pas la seule à déployer des efforts pour renforcer l'attrait des véhicules électriques sur les marchés d'aujourd'hui. Toyota, par exemple, est en train d'étendre sa stratégie automobile hybride à presque tous les segments de marché. Parallèlement, l'Alliance Renault-Nissan investit lourdement dans la R&D pour produire en masse des véhicules électriques abordables.

Mais la demande de véhicules puissants et de grande taille n'a pas disparu. Il est donc essentiel de prendre en compte le moteur à combustion interne dans le cadre des stratégies de réduction des émissions de chaque entreprise. À titre d'exemple, BMW souhaite atteindre l'année prochaine un tiers de son objectif avec des moteurs à combustion interne plus efficaces, et deux tiers avec des moteurs électriques.

Selon Oliver Zipse, cette approche pragmatique est le seul moyen de garantir l'adoption généralisée – et donc l'efficacité – des véhicules à faibles émissions.

À l'occasion du Frankfurt Motor Show de 2019, Oliver Zipse déclarait : « La question est simple : quelles technologies ont le plus grand effet de levier pour nous permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial ? Pour nous, l'important est d'avoir un réel impact… Un produit n'a de raison d'être que si un client en a besoin, le désire et l'utilise. C'est pourquoi nous nous concentrons sur ce que nos clients, en tant que citoyens de cette planète, voudront à l'avenir. Quels types de transmissions, de technologies et de services ? Et comment parvenir, en même temps, au meilleur résultat pour préserver le climat ? »

RÉTABLIR L'ÉQUILIBRE

Si les projets d'innovation pour des véhicules plus efficaces sont susceptibles de satisfaire de nombreux marchés aujourd'hui, l'endroit où une entreprise choisit de construire ses voitures peut changer la donne vis-à-vis de ses résultats.

« Il existe en fait deux façons d'atteindre les objectifs de l'UE en matière d'émissions de CO2 : rendre les voitures électriques et réduire leur taille et leur poids », explique Nicolas Meilhan, conseiller principal auprès du cabinet de conseil en véhicules électriques EV-Volumes.com. « Ces deux solutions coûtent cher. Les batteries pour voitures électriques ont des coûts de production élevés et de faibles marges, ce qui pousse certains fabricants à déplacer la production vers des sites moins chers, qui utilisent de l'électricité produite par des centrales à charbon à haut rendement. Cela peut considérablement réduire les gains environnementaux au cours de la durée de vie du véhicule. »

Les SUV constituent le deuxième facteur de hausse des émissions mondiales de CO2 depuis 2010, après le secteur de l'énergie et devant l'industrie lourde, les camions et l'aviation.


Agence internationale de l'énergie, World Energy Outlook 2019

Des voitures plus légères et plus petites pourraient répondre à cette problématique, mais les préférences du marché pour les grands SUV viennent contredire cette option.

« La plupart des travaux effectués par le passé pour développer des matériaux et composants légers étaient destinés à maintenir le poids du véhicule tout en augmentant sa taille », explique M. Meilhan. « Tous les gains d'efficacité réalisés au cours des 20 dernières années sur le groupe motopropulseur, grâce à des composants plus légers et à un meilleur aérodynamisme, ont été annulés par le fait que les voitures ont gagné en moyenne 10 kilos par an. »

Les fabricants doivent donc relever deux défis : concevoir des voitures plus légères tout en les rendant plus attrayantes. « Pour que ces gains d'efficacité aient un impact positif sur l'environnement et que l'on puisse réduire considérablement les émissions de CO2 des voitures de tourisme, il est essentiel de réorienter le marché vers des voitures plus petites et plus légères », explique M. Meilhan.

CRÉER DE LA VALEUR

Pour Nicolas Meilhan, le constructeur automobile français Gazelle Tech est un modèle à émuler. « Gazelle Tech a presque réduit de moitié le poids et la consommation de carburant de ses voitures, en les fabriquant entièrement à partir de matériaux composites, tout en respectant toutes les normes de sécurité », explique-t-il.

En s'associant à une société de logiciels de prototypage virtuel, Gazelle Tech a éliminé le coût de création de plusieurs prototypes physiques. Le résultat est un cadre composite de 10 pièces qui peut être facilement assemblé à la main.

L'accessibilité est au cœur de la vision de Gazelle Tech. La société destine ses modèles à moteur électrique aux marchés européens et propose une version avec moteur à combustion interne pour les pays émergents. Elle est également en train de renforcer la connectivité dans ses voitures pour soutenir le covoiturage.

Pour rendre la fabrication plus efficace, la société a développé des micro-usines modulaires qui peuvent être rapidement installées près de ses clients, afin de réduire encore davantage la consommation d'énergie et d'adapter ses voitures aux marchés locaux.

« Elles sont particulièrement adaptées aux pays émergents qui souhaitent développer l'industrie automobile », explique l'entreprise sur son site Internet concernant les usines. « Le déploiement de ces unités de production s'accompagne d'un transfert de technologie pour adapter nos véhicules aux spécificités locales. »

Extérieur d'une conception Canoo, start-up basée aux États-Unis spécialisée dans la construction de véhicules électriques

Aux États-Unis, la start-up Canoo offre un autre bel exemple. Elle s'appuie sur des talents issus de deux industries, la technologie et l'automobile, afin de se positionner comme le « Netflix des voitures », avec un modèle proposant aux clients de souscrire à des abonnements mensuels pour des véhicules électriques à usage privé ou commercial. Décrit comme un « loft urbain sur roues », le premier véhicule de Canoo est un sept places, combinant l'espace intérieur d'un grand SUV à l'encombrement d'une voiture compacte.

LA ROUTE À SUIVRE

Dans cette course pour respecter l'échéance fixée par l'UE concernant la limitation des émissions, il est essentiel de miser sur de nouvelles technologies, compétences et partenariats afin de surmonter les obstacles induits par l'innovation et fidéliser les clients.

« Les fabricants vont devoir innover à tous niveaux », observe PA Consulting, une société de conseil basée à Londres, dans un rapport de 2018. « Cela signifie commencer par concevoir le bon produit en se concentrant sur la R&D, en mettant en place des partenariats et en utilisant des approches agiles. »

À mesure que le secteur relève ce défi majeur, de nouvelles collaborations, aussi innovantes qu'inspirantes, pourraient voir le jour.

« L'industrie automobile a toujours été profondément pragmatique, et ne cessera de l'être », affirme Peter Wells, professeur de commerce et de développement durable, et directeur du Centre for Automotive Industry Research à la Cardiff Business School au pays de Galles. « Elle saura bâtir son avenir au-delà des frontières traditionnelles, en nouant d'importantes collaborations, que ce soit avec le secteur des technologies, les fournisseurs d'énergie, les groupements de covoiturage et les nombreux nouveaux arrivants, spécialisés dans l'électrification et l'électronique grand public. »

La transparence sera également primordiale, car les entreprises font l'objet d'une surveillance accrue de la part des autorités de réglementation et des consommateurs.

« Les constructeurs automobiles doivent entretenir la confiance du public, des politiques, des investisseurs et des autorités réglementaires », explique M. Wells. « Outre la pression induite par le changement climatique et les émissions de carbone qui ne cessent d'augmenter, avec l'intérêt naissant pour l'économie circulaire, la légitimité de l'industrie et des produits ou services qu'elle fournit est sous le feu des projecteurs. »

M. Meilhan, consultant en transports et en énergie, estime qu'un soutien de grande envergure concernant la conformité réglementaire constituera une prochaine étape cruciale pour soutenir les efforts des fabricants.

« L'une des façons de réorienter le marché pourrait être de pénaliser les fabricants qui vendent des voitures plus lourdes et d'utiliser les fonds pour encourager et subventionner la production et la vente de voitures plus légères », explique-t-il. « Cela pourrait s'étendre à l'électrification, avec une norme d'empreinte carbone, afin que les fabricants qui utilisent de l'électricité à haut niveau d'émissions pour produire leurs véhicules soient pénalisés pour subventionner ceux qui construisent des voitures dans des zones à faibles émissions de carbone. »

Le chemin est encore long avant que le transport zéro-émission ne devienne une réalité. Mais, alors que l'industrie s'efforce d'atteindre les objectifs de l'UE, ses projets de collaboration pourraient non seulement transformer nos véhicules et leur rapport à l'environnement, mais également les réseaux, les modèles d'entreprise et les expériences qui jalonnent leur cycle de vie.

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