Lorsque vous êtes engagés dans un projet pour la construction d'un siège social emblématique en Californie, l'échec n'est pas une option. Pour James Kotronis, architecte et consultant pour l'industrie du bâtiment, il était essentiel de s'assurer que l'ensemble de la chaîne de valeur du projet fonctionnait en parfaite synchronisation et ce, jusqu'aux derniers intervenants, menuisiers, soudeurs ou maçons.
Mais comment faire ? Dans un secteur réputé pour livrer des projets de cette envergure avec, en moyenne, 80 % de dépassement de budget et 20 % de retard, selon les estimations de la société de conseil en gestion mondiale McKinsey, la tâche paraissait impossible. C'est là qu'intervient Kotronis Consulting. Son secret ? Sa plate-forme d'innovation d’entreprise. Plutôt que d'attendre qu'une erreur se produise sur le chantier, cette plate-forme a permis d'identifier et de résoudre en amont tout problème éventuel dans un espace virtuel 3D.
À quel point cette technologie est-elle efficace ? Elle est allée jusqu'à s'adapter aux températures très fluctuantes de la Californie, qui peuvent affecter l'ensemble des éléments de construction, de la déviation des structures métalliques aux temps de séchage du béton. Elle a également permis d'identifier des matériaux inadaptés aux conditions météorologiques de la région afin que leur utilisation puisse être réexaminée.
James Kotronis explique : « Le modèle digital vivant représentant le bâtiment a été mis à jour tout au long du projet. Il a joué un rôle déterminant pour développer le projet et a nourri la réflexion de l'ensemble de l'équipe, pendant et avant la construction. Le modèle a permis d'identifier des problèmes qui ont été résolus en amont de façon virtuelle, plutôt qu'en aval sur le chantier. »
Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres de la manière dont la digitalisation – notamment sous forme de modèles digitaux 3D qui relient et coordonnent l'ensemble de la chaîne de valeur – aide des pionniers à redorer l'image de l'industrie.
Malheureusement, ces innovations sont l'exception qui confirme la règle. James Kotronis explique : « Dans cette industrie en pleine évolution, il n'y aura pas de place pour ceux qui ne sont pas capables de se remettre en question et de changer. Comme les dinosaures, ils finiront par disparaître. »
Une chaîne d'approvisionnement synchronisée
L'une des raisons de cette désynchronisation de l'industrie ? Même lorsque les architectes, ingénieurs et constructeurs utilisent des solutions digitales, ces derniers travaillent généralement avec des packages logiciels spécialisés et incompatibles qui rendent difficile – voire impossible – l'anticipation et la résolution d'inévitables conflits entre leurs différentes disciplines, que ce soit en termes d'approche, de planification ou de matériaux. De fait, ces solutions, en cloisonnant les données, aggravent les problèmes de déconnexion au lieu de les réduire.
« Généralement, chaque partie prenante – qu'il s'agisse du concepteur, du constructeur ou de l'opérateur – utilise la modélisation des informations de construction (BIM) en self-service et, par conséquent, de manière non optimale », affirme Lionel Lambourn, architecte et directeur fondateur de Syntegrate, une société de conseil en BIM basée à Hong Kong. « Et lorsque les données sont utilisées en silos, elles ont tendance à cloisonner les tâches. »
Syntegrate utilise une plate-forme d'innovation commerciale pour la BIM, afin de faciliter la planification, la conception, la gestion de projet, la construction et l'exploitation d'environnements construits, sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Elle a participé à des projets majeurs de construction d'infrastructures, de musées et de loisirs sur quatre continents.
D'après Lionel Lambourn, quand chaque service utilise un ensemble de données cloisonnées et déconnectées, la collaboration et l'innovation en pâtissent, comme c'était le cas à l'époque des plans papier. On perd du temps à répéter des tâches et on gâche des matériaux.
« Un certain nombre d'études ont révélé que 30 % des matériaux de construction finissent par être gaspillés », affirme-t-il. « La bonne nouvelle, c'est qu'il existe aujourd'hui des technologies qui, si elles sont utilisées correctement, peuvent facilement faire baisser cette proportion au-dessous de 10 %. »
Outre les matériaux, il est possible d'éviter de gaspiller d'autres choses, en permettant à chaque discipline et chaque fournisseur de voir ce que les autres font et planifient.
« Nous pourrions prévenir des conflits entre les processus, les contrats et les sites de travaux grâce à la BIM, en la fédérant sur une seule et même plate-forme digitale à l'échelle de l'entreprise », affirme Lionel Lambourn. « Travailler de cette façon permet d'être plus efficace et ainsi de réduire les coûts. La complexité du projet est mieux appréhendée grâce à la visualisation et à la simulation, et les processus sont simplifiés en amont pour éliminer les risques au stade de la construction. »
James Kotronis acquiesce :
« Vous pouvez ainsi travailler avec clarté, cohésion et certitude, et optimiser la créativité sur l'ensemble de la chaîne de valeur d'un projet », affirme-t-il. « Lorsque les connaissances ne sont pas partagées en temps réel et que les gens travaillent chacun de leur côté, les processus de projet sont désynchronisés. Mais si vous modélisez les tâches de manière cohérente en intégrant les processus de conception, de fabrication, d'installation et d'exploitation, vous pouvez créer un espace de solutions pour réunir les parties prenantes du projet. Et cela booste indéniablement la créativité. »
Capturer les connaissances
Hiromu Matsui est directeur général de l'entreprise Pacific Consultants, basée au Japon. Fondée en 1951 pour soutenir la reconstruction d'après-guerre du pays, l'entreprise s'est impliquée dans le développement urbain, y compris les routes, les ports et les chemins de fer, ainsi que dans les infrastructures urbaines au Japon et à l'étranger. L'objectif étant d'apporter une solution face aux catastrophes naturelles qui se sont produites fréquemment au cours des dernières années.
Hiromu Matsui explique : « À la tête du département de technologie, je promeus l'innovation technologique propre à notre culture d'entreprise : aller plus loin, petit à petit ».
Le génie civil doit s'adapter à différentes conditions, comme le terrain, la géologie et l'environnement du site de construction. Dans ce contexte, la conception des structures peut devenir incohérente. Lorsque les conceptions sont réalisées en 2D, non seulement un grand nombre de plans sont créés, mais les incohérences entre les plans d'origine et les plans dérivés peuvent entraîner des erreurs de construction et des reprises. Le défi consiste à savoir comment améliorer l'efficacité du travail de conception, qui inclut de nombreux éléments manuels, et comment assurer la cohérence des plans.
Pour Pacific Consultants, il est nécessaire de repenser en profondeur notre mode de travail et d'améliorer les processus afin d'optimiser l'efficacité et la productivité. Le déploiement d'une plate-forme unifiée à l'échelle de l'entreprise est très efficace pour assurer une communication fluide au sein de chaque processus de conception, de fabrication et de construction. « En collaborant à l'aide d'un flux digital 3D cohérent, il est possible de supprimer de nombreux processus inefficaces » explique Hiromu Matsui.
Pacific Consultants travaille actuellement sur des ponts et des barrages de sable pour lutter contre les catastrophes naturelles. Les modèles de conception 3D améliorent considérablement l'efficacité et la vitesse de conception. En outre, ces conceptions pouvant être stockées pour un projet futur, les processus peuvent être améliorés en permanence.
« L'industrie du génie civil au Japon possède des capacités techniques de premier ordre en matière de technologies sismiques et de contrôle des inondations en cas de tsunami et de fortes pluies », explique Hiromu Matsui. « Le professionnalisme des ingénieurs impliqués dans les projets est remarquable. Cependant, l'efficacité des technologies adéquates dépendant souvent de compétences personnelles, lorsque ces compétences ne sont pas transmises lors d'un départ à la retraite d'un ingénieur, cela peut entraîner des lacunes. Je pense donc qu'il est nécessaire de digitaliser les processus, mais également de conserver et partager les connaissances à l'aide de la technologie de simulation 3D. »
Ces trois innovateurs industriels prouvent que la construction véritablement intelligente passe par la gestion centralisée des projets, à l'aide de modèles 3D approuvés et visuels, incluant toutes les données associées au projet. Cela présente d'innombrables avantages pratiques, commerciaux et techniques, et de nombreux autres acteurs majeurs de l'industrie sont sur le point d'emboîter le pas à ces innovateurs dans ce mouvement révolutionnaire.
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