Digitalisation de l’activité minière

Afin d’augmenter leurs profits, les sociétés minières se tournent vers la digitalisation pour obtenir des résultats

Michele Witthaus & Sean Dudley
30 December 2017

7 minutes

Grâce à la digitalisation, les sociétés minières peuvent optimiser leurs opérations et tirer parti de nouveaux modèles économiques. Compass explore les technologies qui mènent au virage digital, et la façon dont elles changent la manière de fonctionner des entreprises.

« Les sociétés du secteur des ressources naturelles vont devoir faire preuve d’agilité pour affronter un avenir plus incertain et moins riche en ressources. Elles devront maîtriser le digital et d’autres technologies pour pouvoir libérer des gains de productivité. »McKinsey Global Institute, février 2017, Beyond the Supercycle: How Technology is Reshaping Resources

Des années de cycles d’expansion et de récession et de faibles marges ont pesé lourdement sur la santé financière des sociétés minières. Parce que la qualité des gisements qui restent à exploiter continue de décliner et que les sites sont de plus en plus éloignés, l’industrie est à la recherche de nouvelles solutions.

De nombreux acteurs du secteur suivent le conseil du McKinsey Global Institute, et cherchent une solution dans la technologie.

« Les technologies digitales commencent à avoir un impact critique sur l’industrie minière d’aujourd’hui », déclare Karin Jirstrand, responsable produit de la technologie d’interopérabilité pour l’exploitation minière chez Atlas Copco, fabricant mondial d’équipements, de consommables et de services pour le forage et l’excavation de roche pour l’industrie minière dont le siège est en Suède. « Il devient essentiel de savoir ce que font vos machines, où elles se trouvent, et si elles fonctionnent correctement. Se lancer dans l’aventure digitale peut rendre n’importe quelle entreprise plus productive. »

LEVIERS DIGITAUX

Sabrin Chowdhury est analyste en matières premières pour la société de conseil BMI Research à Singapour qui fournit des analyses macroéconomiques, sectorielles et sur les marchés financiers. Selon elle, les technologies digitales seront de plus en plus un facteur de réussite dans l’industrie minière.

« Les avantages de l’application de la technologie à l’exploitation minière sont évidents : l’efficacité accrue abaisse les coûts, améliore les bilans de sécurité, réduit les déchets et l’impact sur l’environnement », affirme-t-elle.

Les technologies digitales ont le potentiel d’améliorer à la fois la gestion opérationnelle des mines et la sécurité et la gouvernance environnementale, ajoute-elle. La technologie peut permettre aux entreprises de mieux veiller à la sécurité de leurs employés et de réduire les risques, tandis que la combinaison, sur l’équipement minier, des capteurs digitaux et des plates-formes et de l’analytique de l’Internet des Objets (IoT) leur permet d’accroître leur efficacité opérationnelle. « Elles sont ainsi mieux à même de prédire à quel moment un équipement peut tomber en panne, ce qui contribuera à réduire les temps d’arrêt des opérations et augmentera la productivité », précise-t-elle.

Il y a d’après elle d’autres avantages potentiels, comme le contrôle des processus, le suivi des actifs et de la sécurité des mineurs dans des environnements d’exploitation difficiles. Les communications entre le site, la surface et les installations minières souterraines peuvent également être améliorées grâce à la digitalisation, permettant ainsi la rationalisation et l’amélioration de l’efficacité opérationnelle. Les innovations dans le domaine des équipements, qui contribuent à améliorer l’efficacité opérationnelle et à abaisser les coûts de production en augmentant le taux d’utilisation du parc, offrent également des avantages.

Comme dans d’autres industries, des capteurs peuvent être fixés aux équipements miniers, à des drones ou sur les tenues des travailleurs, afin de recueillir des données sur l’ensemble du processus de production. Les technologies de visualisation 3D peuvent également être mises à profit : en visualisant les gisements de minerai non exploités sous forme de modèles 3D par exemple, les exploitants peuvent améliorer leurs plans d’extraction, ce qui permet de travailler plus rapidement et facilement.

FRANCHIR LE PAS DU DIGITAL

Selon Gavin Yeates, directeur de Gavin Yeates Consulting, qui conseille les sociétés minières dans ce domaine, la digitalisation de l’exploitation minière présente la plus grande opportunité de génération de valeur disponible pour la plupart des exploitants de mines. Gavin Yeates est également directeur de CRC ORE, qui étudie les nouvelles technologies dans le secteur.

« Nous partons de très bas, donc les avantages sont considérables », déclare Gavin Yeates. « Nombre d’améliorations opérationnelles apportées à d’autres secteurs n’ont pas encore été appliquées au secteur minier. Nous avons la possibilité de solidariser l’ensemble de la chaîne de valeur, du modelage du corps de minerai jusqu’au produit final en passant par le processus de production. »

La technologie utilisée par Atlas Copco permet à un opérateur de manœuvrer une machine à distance depuis la salle de contrôle de la mine. Les données de la machine sont ensuite mises à la disposition des utilisateurs via la solution télématique Certiq d’Atlas Copco. (Image © Atlas Copco)

Gold Fields Limited, une société d’exploitation de l’or possédant des opérations en Australie, au Ghana, au Pérou et en Afrique du Sud, par exemple, utilise déjà le broyage et le chargement des roches à distance, les drones, la visualisation 3D et la collecte du Big Data via télémétrie souterraine, a indiqué son PDG Nicholas J. Holland dans un discours prononcé lors d’une conférence sur l’avenir de l’industrie minière en mars 2017. Selon lui, les partenariats avec des entreprises informatiques et les équipementiers seront critiques pour la réussite future de l’exploitation minière.

Gold Fields Limited fait partie d’un nombre croissant de sociétés minières qui incorporent les technologies digitales dans des programmes d’innovation plus vastes, précise Sabrin Chowdhury. Ces entreprises investissent massivement dans le but d’améliorer leurs opérations.

« En 2016, le leader de la production de cuivre Codelco a augmenté son budget d’innovation de 25 % en glissement annuel, à 63 millions de dollars, et a créé l’unité Codelco Tech pour conduire ses efforts d’innovation », ajoute-t-elle. « En septembre 2016, Barrick Gold a noué un partenariat avec Cisco pour développer un programme digital phare à la mine de Cortez au Nevada, qui décidera d’un éventuel déploiement au niveau mondial. Le leader de l’industrie Rio Tinto a inauguré le Centre d’excellence du traitement (PEC) à Brisbane, en Australie, et l’utilisation d’un parc autonome en 2015. »

Le PEC est une installation de pointe qui améliore le suivi et la performance opérationnelle en examinant les données de traitement en temps réel des sept sites de Rio Tinto dans le monde.

BHP Billiton, puissante multinationale de l’extraction minière, des métaux et du pétrole, tire également parti de la digitalisation pour renforcer son efficacité. Lors d’une récente conférence du secteur à Melbourne, en Australie, Alan Bye, vice-président, technologie de BHP Billiton, a évoqué l’environnement d’innovation distribué, ainsi que la démocratisation de l’information et des données comme moteurs du changement.

« Il est important de se rappeler que l’innovation nécessite toutes sortes d’idées », affirme Alan Bye. « L’innovation profonde prend plus de temps, mais en faisant participer nos équipes et en trouvant des petites lacunes dans notre processus, nous avons pu dégager une énorme valeur ajoutée sur une courte période de temps. Nous sommes en train de devenir rapidement une entreprise plus digitale, plus intégrée et plus connectée. Et nous cherchons à améliorer notre manière de pratiquer l’exploitation minière sous tous les angles. »

DÉBLOQUER LA CHAINE DE VALEUR

 
Pour exploiter pleinement le potentiel de la digitalisation, les entreprises ont également besoin d’enseigner à leurs mineurs comment tirer le meilleur parti des nouvelles technologies.

C’est justement ce que fait Julien Duquennoy, professeur associé en informatique de l’école d’ingénieurs française UniLaSalle au GéoLab, un laboratoire d’innovation digitale implanté dans les Pyrénées espagnoles. Ses élèves apprennent à utiliser la modélisation 3D des couches géologiques afin d’examiner des structures telles que des failles et les corps sédimentaires. L’objectif est de déterminer la validité des hypothèses sur les conditions souterraines avant de commencer l’exploitation minière.

 
« Il nous faut déterminer si la modélisation automatisée fonctionnera bien sur un site géologique aux géométries complexes », explique Julien Duquennoy. « La difficulté technologique à laquelle nous sommes confrontés est de trouver le juste équilibre entre le travail manuel et le travail automatisé afin d’obtenir un résultat satisfaisant sur le plan scientifique par la méthode la plus simple possible. »

RÉSISTER AU CHANGEMENT

 
Cependant, dans l’ensemble de l’industrie, le changement ne sera pas facile. Une enquête réalisée auprès de 800 dirigeants de l’industrie minière par le cabinet de conseil en transformation digitale VCI a identifié plusieurs obstacles à la mise en œuvre des technologies minières innovantes au cours des 15 prochaines années. Il s’agit notamment de la résistance au changement et de la difficulté à trouver des employés ayant les qualifications requises ; 20 % des sondés citant la culture du secteur comme un obstacle majeur à l’innovation.

George Hemingway, directeur de la stratégie de croissance et de l’innovation de la société de conseil Stratalis Group, estime qu’une grande partie de cette résistance est due à la façon dont les marchés financiers s’opposent au besoin d’investir dans l’innovation et la technologie du secteur.

« Il y a des années, j’avais l’habitude de dire que le principal défi de l’innovation dans le secteur minier était un décalage entre les motivations des managers et cadres de niveau intermédiaire des entreprises et l’horizon temporel et le goût du risque que requiert l’innovation », déclare George Hemingway. « Cependant, avec le temps, j’ai compris que le défi ne repose pas sur eux, mais tout en haut de la pyramide, chez les CEO et les directeurs d’exploitation. Cela vient du fait qu’ils sont tributaires du marché, ce qui les oblige à obtenir des résultats chaque trimestre ou chaque année. Ils ne sont plus enclins à investir à long terme dans l’innovation parce que le marché ne les récompense pas pour cela. »

SAISIR UNE OPPORTUNITÉ

 
Devant de si nombreux défis à relever, il n’existe pas de recette miracle pour réussir dans ce domaine. Pourtant, Karin Jirstrand d’Atlas Copco estime que les sociétés qui font le choix de la digitalisation finiront par en profiter.

Pour plus d'informations :
http://3ds.one/DigitalMining

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