Coordination optimale

L'ingénierie des systèmes basée sur des modèles permet de réduire la complexité des réseaux 5G.

Tony Velocci
18 December 2020

5 minutes

La conception et l'intégration de réseaux mobiles 5G représentent un défi extrêmement complexe. Mais grâce à l'ingénierie des systèmes basée sur des modèles (MBSE), rien n'est impossible. Compass s'est entretenu avec Daniel Krob, président du Centre d'excellence sur l'architecture, le management et l'économie des systèmes (CESAMES) basé à Paris. Retour sur la manière dont la MBSE peut booster et optimiser la conception des systèmes 5G.

CompassEn quoi la 5G diffère-t-elle des générations précédentes de technologies sans fil ? Est-ce dû à la bande passante, à la portée, aux cas d'utilisation variés ou y a-t-il autre chose ?

Daniel Krob : La première chose que vous devez comprendre, c'est que la 5G représente non seulement un tournant majeur pour les télécommunications mobiles, mais également le fruit de 40 ans de progrès technologique ; chaque génération s'appuyant sur la précédente, et chacune étant 100 fois plus efficace que la précédente. Avec la 5G, cette tendance se poursuit. La plupart des personnes [travaillant dans les télécommunications] pensent que la 5G est une merveilleuse technologie qui permettra de nombreux nouveaux cas d'utilisation que l'on n'aurait jamais imaginés auparavant. Ces solutions vont du contrôle autonome des véhicules au cloud computing mobile.

Des améliorations de productivité aussi significatives semblent stupéfiantes. Avez-vous une idée des niveaux que la 5G pourrait atteindre à mesure qu'elle évolue ?

DK : Sur le plan technologique, de nombreux ingénieurs pensent que la 5G n'est limitée que par notre capacité à miniaturiser encore davantage les antennes. À ce stade, tout ce que nous savons, c'est qu'il y a encore une grande marge de progression. La première étape consiste à la déployer, puis nous commencerons à comprendre la véritable étendue des performances potentielles de la 5G.

Aidez-nous à comprendre la nature des défis rencontrés par l'ingénierie des systèmes avec la 5G. Qu'est-ce qui rend la conception, l'intégration et le déploiement si difficiles ?

DK : Il s'agit d'une technologie complexe dont le déploiement dépendra énormément de la manière dont elle est utilisée. La 5G n'en est qu'à ses débuts, et de nombreuses applications d'utilisation finales tirant parti des possibilités qu'elle offre seront développées au cours de la prochaine décennie, après son déploiement complet.

En tant qu'expert en ingénierie des systèmes basée sur des modèles, comment décririez-vous la différence entre l'ingénierie classique et la MBSE ? Et comment ces différences pourraient-elles aider à résoudre certains des défis induits par l'utilisation optimale de la 5G ?

DK : L'ingénierie classique est idéale pour les systèmes dont la complexité est gérable. Elle repose sur une approche dans laquelle le développement est géré du début à la fin par un processus séquentiel : identification des besoins, conception du système, conception des composants, intégration, tests, qualification et maintenance. Avec une telle approche, les connaissances techniques clés restent dans le domaine de compétence d'un nombre limité de personnes, avec un travail de modélisation et une collaboration plurifonctionnelle également limités.

Malheureusement, ce genre d'approche ne fonctionne pas avec des projets très complexes et il devient alors impossible d'appréhender tous les tenants et les aboutissants de ces projets. La collaboration transparente entre l'équipe d'ingénierie est essentielle et la modélisation des systèmes individuels nécessaire. C'est là qu'entre en jeu l'ingénierie des systèmes basée sur des modèles (MBSE).

La MBSE propose un modèle de systèmes partagés sur lequel les professionnels de plusieurs disciplines peuvent collaborer et déterminer le point où ces différentes disciplines – mécanique, électrique, électronique, logicielle – se croisent. Sans cette fonctionnalité, vous devrez faire face à des divergences et des lacunes qui ne seront pas détectées avant que le projet n'atteigne l'étape du prototype physique.

Les normes 5G sont en constante évolution, les appareils que les entreprises conçoivent aujourd'hui peuvent donc être amenés à évoluer. Comment la MBSE peut-elle aider dans ce processus ?

DK : La MBSE peut vous aider de deux façons. La première, c'est sa capacité à connecter efficacement les besoins de l'entreprise à la solution technique en assurant la traçabilité digitale entre les deux. Cela permet aux ingénieurs de mettre facilement en corrélation les exigences fonctionnelles et techniques évolutives avec les enjeux commerciaux, afin de gagner du temps et de l'argent. Ensuite la MBSE peut vous aider en prenant en charge les décisions de compromis basées sur l'évaluation de la solution optimale.

Dans quelle mesure la capacité de la MBSE à mettre en évidence les corrélations entre les différentes disciplines d'ingénierie influence-t-elle l'innovation au niveau des systèmes ?

DK : La MBSE vous permet de modéliser et de valider non seulement les innovations au niveau du système, qu'il s'agisse de fournir un nouveau niveau de services ou d'améliorer les fonctionnalités, mais également la perspective commerciale derrière la technologie – en l'occurrence, la 5G.

Quels avantages les pionniers dans l'exploitation de la MBSE sont-ils susceptibles d'obtenir sur le marché ?

DK : La MBSE elle-même est une technologie qui nécessite de maîtriser une nouvelle méthodologie d'ingénierie et de nouveaux outils de résolution des problèmes, mais également d'intégrer ces outils aux divers processus de développement afin de simplifier l'ensemble. Cela peut prendre du temps. Plus vite on démarre, plus vite on tire les avantages de la transformation digitale rendue possible avec la MBSE.

« La MBSE vous permet de modéliser et de valider non seulement les innovations au niveau du système, qu'il s'agisse de fournir un nouveau niveau de services ou d'améliorer les fonctionnalités, mais également la perspective commerciale derrière la technologie – en l'occurrence, la 5G. »

Daniel Krob
, Président du CESAMES

Compte tenu de la puissance de la MBSE, pourquoi n'est-elle pas utilisée plus largement ? Quels sont les défis qui s'opposent à une adoption plus large ?

DK : C'est une question de culture. La MBSE est l'un des langages d'ingénierie les plus avancés utilisés, [mais] le nombre de personnes disposant d'une solide expérience de la MBSE est limité. Et nous avons tendance à rester dans notre zone de confort, là où nous nous sentons le plus à l'aise, avec des méthodes que nous utilisons depuis des années. La MBSE vaut la peine d'effectuer la transition, car elle évite que des lacunes dans la conception ne soient découvertes qu'à l'étape du prototype physique, comme avec la méthode d'ingénierie V-System.

En évitant ces problèmes tardifs, vous éliminez les cycles interminables de prototypage physique. La MBSE facilite donc considérablement une mise sur le marché rapide. La mise à jour des conceptions à mesure de l'évolution des normes est également plus facile. Il suffit de mettre à jour le modèle. Ces deux points offriront des avantages non négligeables aux premières entreprises qui adopteront la MBSE.

(Image © Daniel Krob)

PROFIL : Daniel Krob est président du Centre d'excellence sur l'architecture, le management et l'économie des systèmes (CESAMES), dont le siège social se situe en France, et professeur de sciences informatiques. Il est l'auteur de plus d'une centaine de publications scientifiques et de quatre livres. Il est spécialiste de l'architecture, de la modélisation et des méthodes de conception des systèmes complexes, et est membre de l'INCOSE, la plus haute distinction attribuée par le Conseil international de l'ingénierie des systèmes. Daniel Krob a été choisi pour rejoindre ce petit groupe hautement qualifié, sur la base de ses contributions à la théorie et à la pratique de l'ingénierie des systèmes complexes à un niveau mondial significatif.

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