Le concept d’Open Innovation, développé en 2003 par Henry Chesbrough, professeur et directeur du Center for Open Innovation de l’Université de Californie à Berkeley, s’appuie sur des outils ou des plateformes de mise en commun permettant de partager des idées et de stimuler l’innovation. Aujourd’hui, l’innovation d’entreprise est plus collaborative que jamais, ce qui rend l’Open Innovation d’autant plus pertinente.
Les environnements dans lesquels nous travaillons sont de plus en plus complexes : budgets serrés, ressources dédiées à l’innovation limitées, changements technologiques rapides (mobile, Web, appareils connectés, etc.), défis en matière de développement durable, etc.
Il devient donc essentiel de maîtriser l’intelligence collective et de promouvoir la collaboration dans le cadre des processus de co-innovation et de co-création, entre les différents collaborateurs de l’entreprise mais aussi avec son écosystème tout entier (start-up, PME, fournisseurs, clients, universités, associations, etc.). Martin Duval relève cinq tendances pour anticiper les nouveaux moyens de mettre en oeuvre une stratégie d’Open Innovation.
FUSIONNER LES PROJETS INTERNES ET EXTERNES
Les plateformes de collaboration externes constitueront des passerelles vers les plateformes de gestion interne d’idées et elles pourront même fusionner. Les idées venant de l’extérieur pourront être associées aux concepts internes à l’entreprise, à mesure qu’elles évoluent dans les processus « stage-gate », et les communautés externes pourront tester des idées générées en interne. L’opérateur de télécommunications français SFR, par exemple, teste des concepts imaginés par ses équipes internes au sein de sa plateforme AtelierSFR.fr, avec des communautés extérieures d’utilisateurs et de clients. Une « communauté de l’innovation » interne, qui interagira avec un groupe de partenaires externes, sera développée au moyen d’une plateforme modérée, utilisable pour générer de nouvelles idées et pour recueillir des retours d’informations sur les idées développées en interne.
PROCESSUS DE CO-CRÉATION
Les méthodes de co-création reposeront sur des composantes en ligne et hors ligne, afin d’obtenir de nouveaux services et produits plus efficacement que si l’entreprise le faisait par elle-même, avec une portée plus large. Les contributeurs peuvent être salariés, clients, experts, créateurs ou développeurs.
Les facteurs clés de réussite de cette combinaison impliquent de :
• S’efforcer à définir les contributeurs/ innovateurs et à travailler sur le contenu, via des plateformes en ligne et des ateliers hors ligne ;
• Répartir de manière judicieuse les phases de compétition et de co-création ;
• Organiser des activités en ligne et hors ligne qui se complètent.
ÉMERGENCE DE MÉTA-DÉFIS ET DE CONCOURS
Les concours se sont répandus pour générer des idées et résoudre des problèmes. À l’avenir, ces concours seront organisés conjointement par des groupes d’entreprises non concurrentes afin de partager les risques et les coûts avec leurs partenaires tout en augmentant l’impact et la portée de ces concours.
Par exemple, l’apparition des Open Data (« données ouvertes ») – données qui peuvent être utilisées, réutilisées et redistribuées librement – a donné lieu à la création d’applications innovantes dans de nombreux concours destinés aux développeurs. Ces concours ont permis de rassembler des idées originales et de générer de nouveaux produits et services.
Le choix des bons partenaires qui participeront à l’organisation, la gestion et le sponsoring du concours est primordial. Les meilleures compétitions mettent en commun les contributions des partenaires afin de traiter divers aspects du concours – communication, idéation, processus de sélection – et d’identifier/atteindre les communautés ciblées. Un esprit de collaboration permettra de protéger la propriété intellectuelle.
« NOUS ASSISTERONS À UNE PLUS GRANDE CONVERGENCE ENTRE L’INNOVATION OUVERTE, LA RESPONSABILITÉ SOCIALE ET L’INTELLIGENCE COLLECTIVE, FAVORISÉE PAR LE DÉVELOPPEMENT DE PLATEFORMES DE NOUVELLE GÉNÉRATION. »
MARTIN DUVAL
PRÉSIDENT ET COO, BLUENOVE GROUP
PROCESSUS DE GESTION DES IDÉES
Au début du traitement d’une idée, les contributeurs clés devront être sélectionnés pour chaque phase afin d’éviter de monopoliser l’ensemble des participants pendant tout le processus. Les compensations devront être bien définies et attribuées en fonction de la contribution des participants.
Les entreprises sont toujours plus nombreuses à utiliser le crowdsourcing externe et les concours internes, la confiance mutuelle entre organisateur et contributeur est une pierre d’achoppement commune. Pour définir les relations, les attentes et les avantages :
• N’impliquez les contributeurs que dans les phases où ils apportent une réelle contribution. Les embarquer trop tôt ou trop tard brûle des ressources inutilement et crée de la frustration.
• Établissez le profil des contributeurs pour évaluer la charge de travail à demander aux participants tout en maintenant une dynamique de groupe et un leadership efficace.
• Structurez les récompenses des contributeurs internes et externes en veillant à ne pas sous-estimer la valeur des retours d’informations, en profitant des leviers existants et en ajoutant des éléments réutilisables.
COLLABORATION CROSS-INDUSTRIE RENFORCÉE
Le concept même d’Open Innovation recouvre des innovations émanant d’un secteur situé hors du « coeur de métier » de l’entreprise. Il est donc important que les grandes entreprises et institutions apprennent à exceller dans la mise en oeuvre des collaborations pour s’attaquer à des questions telles que l’accélération des technologies, le développement durable et la mondialisation.
Les entreprises sont confrontées à tant d’obstacles qu’il devient urgent d’innover, notamment au regard de la pression qui pèse sur les ressources et les budgets des acteurs depuis le ralentissement de l’économie mondiale.
Pour relever ces défis, les grands groupes et institutions devront apprendre à élaborer et mettre en place des projets collaboratifs complexes à grande échelle impliquant de multiples partenaires. C’est par exemple le cas des projets de type Smart City, qui réunit des acteurs du transport, de l’énergie, de l’architecture, des télécommunications et d’autres secteurs afin de trouver une solution aux défis posés par les infrastructures urbaines.
Dans ce type de projets collaboratifs, il est indispensable d’évaluer le « profil de partenariat » de chaque participant potentiel (Fortune 500, start-up, etc.) et son niveau de motivation pour former un partenariat. Approcher des partenaires potentiels uniquement sur la base de leur positionnement industriel ou de leurs produits est insuffisant. Une fois un partenariat établi, il faut s’attacher à référencer rapidement quelques succès afin de conserver le projet sur une note positive. Le recours à autant de phases pilotes, tests, prototypages et maquettes que possible permet de faire de nombreux essais et de surmonter rapidement les échecs, pour progresser rapidement en accumulant les connaissances.
Dans un tel environnement, le concept d’Open Innovation s’étendra et nous assisterons à une plus grande convergence entre l’innovation ouverte, la responsabilité sociale et l’intelligence collective, favorisée par le développement de plateformes de nouvelle génération. ◆