De tout ce qui enflamme l’imagination de la communauté high-tech actuelle, s’il ne fallait retenir qu’une chose, ce serait l’Internet des Objets (IdO). Synonyme de connectivité, l’IdO reliera tous les objets à chacun de nous au moyen d’applications que peu d’entre nous imaginent aujourd’hui.
Seuls quelques utilisateurs connaissent le secret de l’Ido, mais sa plus grande force pourrait bien être sa plus grande faiblesse : la combinaison innovante de propriétés intellectuelles (IP) issues de multiples sources. Le phénomène de l’IdO est en plein essor grâce à la disponibilité de matériel électronique basse consommation et bon marché doté de nombreuses fonctionnalités, combiné à des outils de développement de logiciels relativement libres.
Cette technologie est basée sur un fondement de l’IP qui permet le partage et la réutilisation du matériel informatique et des logiciels. L’IP peut également faire partie du processus d’intégration et de fabrication. Mais si les entreprises se bousculent pour avoir un avantage concurrentiel, le « partage » d’IP cède le pas à des procès qui pourraient nuire à la croissance de l’IdO.
LE PRIX À PAYER
« Les actions en justice liées à l’IP sont fréquentes pour obtenir un avantage concurrentiel », remarque Mark Davis, directeur chez Deloitte Consulting. « La croissance de l’activité des chasseurs de brevets oblige les entreprises à être vigilantes en terme de gestion d’IP pour être en mesure de se défendre. » Un chasseur de brevets utilise des droits de brevet pour menacer d’autres entreprises et percevoir des droits de licence, et non pour améliorer les produits ou en créer de nouveaux.
Les concepts de base de l’IP sont familiers aux entreprises de semiconducteurs. Mais le niveau de gestion nécessaire, notamment pour exploiter des systèmes plus complexes tels que l’IdO, n’est pas encore évalué. Jusqu’ici, l’IP était créée en interne à partir de blocs distincts de technologies provenant de précédents projets informatiques ou acquise auprès de fournisseurs externes. Mais, de nos jours, la dimension mondiale, le travail collaboratif des équipes de développement et la diversité des IP sur le marché exigent la mise au point d’un système de gestion plus robuste.
« LE CONCEPT DE “CYCLE DE VIE” EST UN BON MOYEN DE CONSIDÉRER L’ÉVENTAIL DES ACTIVITÉS, LES RISQUES ET LES COÛTS ASSOCIÉS À L’IP POUR UNE ENTREPRISE DE SEMI-CONDUCTEURS. »
WARREN SAVAGE
PDG, IPEXTREME
« Le concept de “cycle de vie“ est un bon moyen de considérer l’éventail des activités, les risques et les coûts associés à l’IP pour une entreprise de semi-conducteurs », explique Warren Savage, PDG d’IPExtreme, société basée aux États-Unis qui commercialise des blocs d’IP et des méthodologie pour les concepteurs de systèmes sur puces (SoC). « Aujourd’hui, le niveau de réutilisation de l’IP en vue de créer des appareils complexes à des coûts de plus en plus faibles est impressionnant. Pourtant, au fil du temps, certains coûts cachés liés à la création, l’achat, l’utilisation et le support de l’IP focaliseront l’attention. Beaucoup de grandes entreprises sont confrontées à ces problèmes. » Ces coûts cachés augmenteront à mesure que les concepteurs utiliseront de plus en plus d’IP de tierces parties pour améliorer les performances de leurs produits, ajouter de nouvelles caractéristiques et respecter des délais de mise sur le marché toujours plus courts.
L’ENTREPRISE AU DÉFI
La gestion de l’IP – depuis le développement d’un produit jusqu’à sa fabrication et sa distribution – requiert l’implication de l’entreprise globale, notamment des équipes techniques et commerciales, et de la chaîne d’approvisionnement. Cette tâche implique de tout documenter, de la découverte et la création de l’IP interne à la recherche, l’acquisition et l’intégration de l’IP externe. L’accomplissement de ces tâches nécessite de cataloguer et d’évaluer la qualité de tous les types d’IP dans l’organisation globale et tout au long de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise.
La gestion de versions permet de garder la trace des erreurs relevées par les équipes de conception lors du développement. Le paiement de redevances et de licences tierces doit être basé sur le type d’IP concerné et les familles de produits pour lesquelles elle sera utilisée.
Les problèmes juridiques et commerciaux liés à l’IP des produits sont à la mesure des problèmes techniques. « La gestion de catalogues d’IP propriétaires et sous licences d’innombrables lignes de produits devient une véritable gageure pour les entreprises de semi-conducteurs », souligne Eric Nguyen, directeur de la Business Intelligence chez Jama Software, société de logiciels basée à Portland, Oregon (USA). La due diligence exige que les entreprises effectuent des contrôles en matière de brevets et de technologies pour s’assurer qu’elles ne violent pas les accords d’IP. Les entreprises doivent aussi gérer le paiement des titulaires de licences. Savoir que l’utilisation des IP est juridiquement sûre affectera les choix de conception de l’ingénieur. En général, l’IP des matériels, tels qu’ARM et Intel, sont bien établis et disposent d’une protection. Les logiciels sont plus difficiles à gérer.
« L’un des soucis majeurs de l’utilisation d’IP de logiciels tiers est le risque de volatilité et de portes dérobées vers le produit », met en garde Patrick Sullivan, vice-président marketing, unité opérationnelle MCU chez Atmel, concepteur et fabricant de semiconducteurs aux États-Unis. « Il est important de protéger les données de l’appareil de l’utilisateur final et l’IP de ceux qui créent cet appareil. »
Le choix de la conception optimale du produit dépendra de la bonne combinaison d’IP internes et tierces à l’entreprise, explique Richard Wawrzyniak, analyste senior des marchés pour les ASIC (Application- Specific Integrated Circuit) et SoC chez Semico Research, société de conseil et d’études de marché en semi-conducteurs située à Phoenix, en Arizona (USA). « Les entreprises peuvent être amenées à acquérir une IP spécifique afin d’élaborer une caractéristique de produit demandée par leurs clients », précise-t-il. « Ou alors, ils peuvent choisir de consacrer plus de temps à la R&D/Ingénierie pour inventer quelque chose qui dépasse le cadre de l’IP existante et éviter d’éventuelles plaintes liées aux brevets. »
La gestion de l’IP permettra aux entreprises de matériels et de logiciels informatiques de faire les bons choix afin qu’aucun coûts cachés n’impactent l’évolution de l’IdO et autres technologies innovantes. ◆
John Blyler, professeur agrégé d'ingénierie des systèmes à l'Université d'État de Portland à Washington (USA), enseigne la technologie, la science et la science-fiction. Il est directeur de contenu des magazines Chip Design, Solid State Technology et Embedded Intel Solutions.