La modularité permet aux fabricants de fournir une grande diversité de lignes de produits sans être confrontés à la complexité des processus de fabrication à la commande. Depuis plus de 15 ans, Modular Management aide les entreprises du secteur de l’équipement industriel à appliquer la modularité à leur développement de produits. L’intérêt pour la modularité augmentant sans cesse, Compass s’est entretenu avec Alex von Yxkull, PDG de Modular Management, et Johan Källgren, partenaire, sur les défis que représente la modularisation.
Compass: Quelles sont les tendances majeures pour les entreprises du secteur de l’équipement industriel ?
A. VON YXKULL: D’année en année, la diversification fait l’objet d’une demande plus importante. Tout le monde veut disposer d’une fonctionnalité ou d’un design unique, et cette situation est source de complexité pour les entreprises, notamment pour les équipementiers industriels, qui consacrent beaucoup trop d’heures de conception au développement de chaque produit spécifique. Fournir à leurs clients des produits de conception unique a pour effet de réduire leurs marges, d’augmenter leurs coûts et en fin de compte de diminuer leurs bénéfices. La complexité qui découle de cette approche de type « fabrication à la commande » se révèle coûteuse, en termes non seulement de conception, mais aussi d’achats et de gestion de la qualité, ainsi que pour d’autres activités périphériques. L’impact sur le potentiel de l’entreprise est négatif.
J. KÄLLGREN: Les entreprises d’équipement industriel sont également confrontées à un autre défi : elles doivent intervenir dans le processus de leurs clients aussitôt que possible, afin de pouvoir suggérer des améliorations de la conception ou de convaincre le client d’utiliser leur type d’équipement. Dans ce cas, les délais de production sont réduits pour tous, et le client obtient un prix plus avantageux que si tout était conçu sur mesure. Ces modules étant prédéfinis, les équipementiers industriels peuvent les introduire plus tôt dans le processus défini par le cahier des charges de leur client, et consacrer plus de temps à l’innovation et à l’amélioration de la qualité. Il s’agit d’une avancée majeure pour leur compétitivité. Ces modules changent la donne et font passer les équipementiers industriels à un autre niveau.
En développant une architecture modulaire pour ces machines, MTS Systems Corporation a réduit le nombre total de références de 90%.
La modularité est-elle bénéfique pour toutes les entreprises ?
J.K:Quelle que soit l’échelle de leur production, ponctuelle ou de masse, tous les fabricants peuvent tirer parti de la modularité. Les exemples vont d’ABB Power Systems, qui construit des centrales à l’unité, à Whirlpool, qui fabrique ses modèles à plus de 100 000 exemplaires. La modularité peut donner d’excellents résultats dans les entreprises dont l’offre de produits est associée à une certaine complexité ou à un degré élevé d’innovation. De nombreux équipementiers industriels appartiennent à cette catégorie, ce qui en fait les candidats idéaux à la modularisation.Nombreuses sont les entreprises qui ont réalisé des progrès spectaculaires grâce à la modularité. MTS Systems Corporation, fabricant de systèmes mécaniques de tests destinés aux secteurs automobile, aéronautique, biomédical ainsi qu’à la construction, a par exemple eu recours à la modularité pour la conception de ses machines de traction servohydrauliques. En développant une architecture modulaire pour ces machines, ses ingénieurs ont réduit le nombre total de références de 90%, passant ainsi de 11 000 références uniques nécessaires à la fabrication de 150 variantes uniques de produits à seulement 800 références uniques permettant de produire plus de 100 000 variantes uniques de produits. Il s’agit là d’un exemple édifiant d’efficacité de la conception.
« La modularité peut donner d’excellents résultats dans les entreprises dont l’offre de produits est associée à une certaine complexité ou à un degré élevé d’innovation. »
Pourquoi entend-on beaucoup parler de modularité aujourd’hui ? Pourquoi cette approche n’était-elle pas plus utilisée auparavant ?
A.V.Y: Même si certaines entreprises, comme Volkswagen, ont adopté la modularité il y a plus de 20 ans, la mise en place des architectures modulaires n’est acceptée en tant que stratégie que depuis peu. Les professionnels lui font davantage confiance parce qu’ils constatent que les résultats sont là. Pourquoi cette approche n’était-elle pas plus utilisée autrefois ? Parce que la « modularisation » pouvait s’avérer longue et difficile si elle n’était pas réalisée de manière efficace. Elle requiert des entreprises de disposer d’une vision à long terme de leurs activités, et d’effectuer des investissements importants. Elle exige également que les entreprises impliquent l’ensemble de leurs acteurs clés quelle que soit leur fonction au sein de l’entreprise, afin de tirer le maximum de bénéfices de la modularité. Cela demande une bonne dose de courage et d’audace de la part de l’équipe dirigeante, car il faut attendre deux à trois ans après avoir pris cette décision pour en recueillir les fruits.
Quels sont les éléments à prendre en considération avant de se lancer dans la modularité ? Quels sont les facteurs clés de réussite ?
A.V.Y: Pour commencer, les entreprises qui décident de se lancer dans la modularité doivent avoir une vision très claire de leurs objectifs et de la façon dont la modularité peut les aider à atteindre ces objectifs. La direction doit comprendre la valeur monétaire interfonctionnelle de la chaîne d’approvisionnement, de la R&D, des ventes et de la direction, et construire une réelle stratégie autour de la modularité. La décision d’adopter la modularité doit être ancrée au plus haut niveau de la hiérarchie de l’entreprise, et non laissée à l’appréciation des membres de l’équipe R&D. Les équipes de R&D peuvent concevoir l’approche modulaire, mais ne peuvent en aucun cas la définir eux-mêmes. Deuxième facteur de réussite : vous devez comprendre votre client. Si vous vous lancez d’abord dans l’aspect technique – en R&D par exemple – vous ne pourrez pas arriver sur le marché avec l’offre adéquate. Si les entreprises ne comprennent pas comment construire correctement cette architecture configurable, cela peut les amener à faire fausse route.
Quels sont les obstacles à surmonter pour les OEM lorsqu’ils évoquent avec des clients potentiels du secteur la possibilité de passer à la modularité ?
J.K: Le passage à la modularité peut s’avérer délicat. L’équipe dirigeante doit comprendre la valeur de la modularisation. Elle doit dédier des ressources spécifiques au sein de son organisation à la réalisation d’un tel programme. Sans l’engagement de ces ressources, il serait déconseillé de poursuivre dans cette voie.
Quelles sont les bases d’un partenariat réussi entre un consultant en solutions modulaires et son client ?
J.K: Le cabinet de conseil est un intermédiaire qui aide le client à effectuer la transition vers la modularité. Il doit exister une confiance mutuelle, ainsi qu’un véritable parrainage de la direction : le sommet de la hiérarchie doit être tenu informé, obtenir des réponses à toutes ses questions au jour le jour, voir les résultats de la modularisation à mesure que la transformation s’effectue. Les bases sont ainsi posées pour le déroulement des phases suivantes. Le parrainage de la direction contribue à maintenir la dynamique de cette transformation jusqu’à la mise en place complète. Pour ma part, je résumerais la clé d’un partenariat réussi en trois mots : engagement, parrainage et confiance.
Au début des années 1990, une équipe de chercheurs passionnés du Royal Institute of Technology de Stockholm et IVF* a décidé d’étudier les moteurs de la modularisation et la façon dont cette approche était mise en œuvre avec succès dans la conception, le développement et la commercialisation d’un produit par un certain nombre d’entreprises, parmi lesquelles Sony, Honda et Scania. Cette étude a permis à l’équipe d’élaborer un modèle de travail pour approcher et mettre en œuvre la modularité de façon organisée et efficace. Ce modèle et sa réussite lors des différentes phases de test sont à la base de la création, en 1996, du cabinet de conseil en développement de produits Modular Management, et constituent encore aujourd’hui le fondement de la société. À ce jour, Modular Management possède des bureaux en Suède, aux États-Unis et en Asie.
*IVF : l’institut de recherche pour l’industrie en Suède
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