Dès 1858, l'université de Londres a mis en place son « Programme de formation externe », offrant aux étudiants la possibilité d'étudier chez eux, à distance, et de passer des examens par courrier.
Cependant, depuis le début de l'année 2020, avec l'arrivée de la pandémie, l'enseignement à distance s'effectue principalement en ligne et a pris une tout autre importance. Bien que de nombreux étudiants se plaignent de la perte de contact personnel inhérente à l'apprentissage en ligne, les expériences virtuelles peuvent améliorer divers aspects des stages.
« L'enseignement supérieur se fait de plus en plus en ligne, ce qui permettrait de niveler le terrain et de démocratiser l'accès à l'éducation », affirme Sirin Tekinay, doyenne du département Ingénierie de l'American University of Sharjah aux Émirats arabes unis. Mme Tekinay préside également le Global Engineering Deans Council (GEDC), ce qui lui donne un aperçu des tendances mondiales. « Nous avons l'opportunité de transformer nos supports de cours pour améliorer l'accessibilité et les opportunités dans l'enseignement supérieur. »
Une étude de la School of Engineering Education de l'université Purdue, dans l'Indiana, indique que, pour les étudiants en ingénierie de premier cycle, les expériences d'apprentissage à distance permettent de mieux « s'adapter aux cours magistraux en ligne et de mieux gérer son temps ». Ils « estiment que cette expérience [les] a rendu plus flexibles ».
« Les compétences professionnelles, anciennement connues sous le nom de "soft skills", sont très importantes pour les ingénieurs », explique Julie Martin, professeure adjointe en formation technique à l'Université d'État de l'Ohio, qui a collaboré à l'étude réalisée par l'université Purdue. « Lorsque les étudiants ont dû rester confinés, nombre d'entre eux étaient dispersés sur différents fuseaux horaires aux États-Unis et dans le reste du monde. Ils se sont retrouvés dans des équipes réellement internationales, comme c'est le cas en permanence dans les équipes d'ingénierie.
La nécessité favorise l'innovation
Bien que certains cours soient entièrement théoriques, d'autres comportent une grande part d'exercices pratiques. L'importance des travaux pratiques est particulièrement évidente pendant les stages.
Pour relever ce défi, les universités et autres organismes d'enseignement adoptent les stages à distance, en tirant parti des technologies virtuelles, notamment des modèles de produits 3D et de l'intelligence artificielle. Tous ces enseignants s'accordent à dire que l'accès à la technologie virtuelle va considérablement améliorer la valeur des stages en exposant les étudiants aux applications et processus dont l'utilisation est en pleine croissance sur le marché mondial. Par exemple, une étude de ReportLinker prévoit que le marché mondial des logiciels de simulation atteindra 19,4 milliards de dollars US (15,9 milliards d'euros) d'ici 2025, et GrandView Research estime que le seul marché des logiciels de conception 3D atteindra 13 milliards de dollars US (10,7 milliards d'euros) la même année, ce qui implique une adoption rapide à laquelle les étudiants doivent être préparés.
À peine quatre mois après le début de la pandémie, en mai 2020, le GEDC et la Société européenne pour la formation des ingénieurs (SEFI) ont lancé un programme international de stages virtuels pour aider les étudiants à accéder à distance aux opportunités en ligne largement disponibles pour les membres des entreprises et sur le campus du GEDC.
« Au cours de l'année et dès que nous avons commencé à nous adapter aux stratégies de communication virtuelle, nous avons réalisé que, si nous repensions l'enseignement, nous pourrions tirer parti d'avantages allant bien au-delà des méthodes traditionnelles d'enseignement en ligne et d'utilisation de la technologie », explique Mme Tekinay. « Nous avons été en mesure de changer de manière significative les techniques d'enseignement tout au long de l'année et nous avons réalisé que les opportunités d'apprentissage par l'expérience, notamment les stages, pouvaient être abordées de la même manière. Au GEDC, nous voulions permettre aux étudiants en ingénierie du monde entier de participer à des stages virtuels, malgré la pandémie. »
Hugo Kieffer, étudiant en génie nucléaire à l'École nationale supérieure d'ingénieurs de Caen, en France, a passé son été en stage à distance pour le département des réacteurs nucléaires de l'Université technique de Prague. Au cours de ce programme de huit semaines, M. Kieffer a contribué à la recherche sur le carburant à base d'uranium, amélioré ses connaissances en codage Python et testé de nouveaux logiciels.
« En matière d'interaction sociale, ce stage a été très différent d'un stage classique », affirme Hugo Kieffer. « Je n'ai participé qu'à une seule réunion par semaine pour faire état de mes progrès et discuter des étapes suivantes de mon travail. »
Malgré les interactions personnelles limitées avec ses collègues et le personnel senior, M. Kieffer a déclaré que l'expérience avait été bénéfique.
« Même si je n'ai pu accomplir que certaines tâches en raison de la nature distante du stage, j'ai pu contribuer à des projets pratiques qui pourraient, un jour, changer les méthodes de production du combustible nucléaire. Il est important de savoir que ces stages à distance sont possibles et de fournir aux étudiants une expérience pertinente de l'industrie. »
Selon Mme Tekinay, les stages virtuels vont perdurer et sont susceptibles de constituer des expériences plus précieuses que les stages physiques. L'American University of Sharjah a pu proposer des stages virtuels aux étudiants des États-Unis, de l'Inde et du Chili. Durant cette période, les étudiants ont travaillé sur divers sujets de recherche, créé des présentations, observé des expériences et recueilli des résultats.
« Cette opportunité n'aurait probablement pas été possible en laboratoire d'ingénierie biomédicale, pour diverses raisons, financières et de temps », explique Mme Tekinay. « Les stages virtuels ont donc créé de nouvelles opportunités pour les étudiants en ingénierie du monde entier, qui ont ainsi le sentiment de faire partie d'une communauté mondiale. »
Les stagiaires sont devenus de véritables membres de l'équipe de projet, avec des missions très claires chaque jour, a-t-elle déclaré. « Ils n'étaient pas tenus de participer aux tâches subalternes sans intérêt souvent imposées aux stagiaires, telles que la préparation du café. Ils ont donc pu apporter une réelle valeur ajoutée au projet.
« L'idée n'est pas de mettre en place une formation à distance permanente », explique Julien Doche, étudiant et président du Bureau national des élèves ingénieurs (BNEI), un groupe qui représente les intérêts des étudiants en ingénierie en France. L'objectif est plutôt de trouver un « équilibre » entre le développement de l'éducation, son adaptation à la société et aux événements économiques, et le maintien de la qualité de l'éducation supérieure.
Le coût du changement
Cependant, même lorsque l'apprentissage virtuel est efficace, les questions de coûts persistent. Une étude récente, menée par le cabinet de recherches Niche dans le domaine de l'éducation, a révélé que 79 % des étudiants pensent que les cours virtuels ou hybrides devraient être moins chers que les cours traditionnels en présentiel, car ils offrent moins d'heures de contact et peu ou pas d'interactions sur le campus.
« C'est un problème délicat, car le coût de l'enseignement n'est pas inférieur pour la formation en ligne », affirme Mme Martin, de l'université d'État de l'Ohio. « Le personnel a plutôt tendance à travailler plus pour convertir les cours et fournir des instructions en ligne que lors des cours en présentiel. Je pense que les enseignants de la faculté, entendant cet argument, se demandent si la suggestion implicite ne serait pas qu'ils devraient être payés moins pour travailler plus. En outre, les universités ont subi des coupes budgétaires drastiques pendant la pandémie et les institutions qui licencient des enseignants ont besoin que le personnel restant enseigne davantage d'heures de cours qu'habituellement.
Les attitudes vis-à-vis de l'apprentissage à distance et des frais associés varient d'un pays à l'autre. Selon M. Doche, en France, de nombreux étudiants en ingénierie continuent volontiers de régler leurs frais.
« La majorité des écoles d'ingénierie en France sont publiques », explique-t-il. « Nous payons environ 600 euros par an. Les frais ne sont donc pas aussi élevés que dans d'autres établissements d'enseignement ou dans d'autres pays. Je pense que l'attitude des étudiants à ce sujet serait très différente si ces frais étaient beaucoup plus élevés. »
Le sujet du coût des études supérieures a été et continue d'être un sujet qui divise. Cependant, les stages virtuels prouvent déjà leur valeur ajoutée en supprimant certaines des tâches administratives qui y sont traditionnellement associées et en permettant aux étudiants de faire partie d'équipes internationales. À mesure que les enseignants trouveront de nouveaux moyens de valoriser l'apprentissage virtuel, en exposant notamment les étudiants à des technologies d'ingénierie avancées et à des expériences de collaboration internationales, les résistances liées aux frais de scolarité pourraient disparaître.