Le futur de la mobilité

Les changements dans les carburants, les modèles de propriété et les préférences de contrôle des conducteurs mettent les constructeurs automobiles au défi de maîtriser la complexité

William J. Holstein
30 June 2017

6 minutes

Devant la diversification des sources d'énergie, l'augmentation rapide de la puissance de calcul et le nombre toujours plus grand de consommateurs qui préfèrent partager une voiture que d'en posséder une, les constructeurs automobiles reconsidèrent toutes les hypothèses pour concevoir la voiture de demain.

L'industrie automobile est à présent bien engagée dans la période de changement la plus radicale depuis la production de masse, et la transition est encore plus importante et complexe que prévu.

Considérons seulement trois des grandes tendances qui se télescopent dans le secteur des transports :

• Les ingénieurs et les scientifiques font des progrès rapides dans la façon dont une voiture détecte son environnement. La conduite autonome, longtemps une utopie, semble de plus en plus probable.

• Les consommateurs disposent d'un choix de carburants plus varié que jamais. La plupart des fabricants proposent maintenant des véhicules à essence ou diesel à combustion interne, ainsi que des véhicules hybrides essence-batterie et hybrides rechargeables. Les consommateurs peuvent également choisir des tout-électriques de Tesla, Nissan et d'autres constructeurs, et même des véhicules à pile à hydrogène tels que la Mirai de Toyota.

• Les jeunes conducteurs, ayant goûté aux services de transport partagé, se tournent de plus en plus vers la location de véhicule, mieux adaptée à leurs besoins. La tendance au covoiturage et à l'autopartage se développe. Personne ne sait encore qui sera propriétaire des véhicules, ni comment cette tendance va impacter les réseaux de concessionnaires.

« Les applications de la technologie telles que le covoiturage, les véhicules autonomes et électriques - toutes ces choses sont en train de réorienter l'industrie automobile », constate Brian Krinock, vice-président senior de Toyota Motor Engineering and Manufacturing, Amérique du Nord. « Je crois que personne ne sait réellement où nous allons. »

DE PLUS EN PLUS DE CHOIX, MAIS DE PLUS EN PLUS DE COMPLEXITÉ

Ces trois tendances convergent pour créer deux défis majeurs pour l'industrie : d'abord, quel savant mélange de véhicules fabriquer, et comment fabriquer simultanément un ensemble de plus en plus diversifié de véhicules dans un plus petit nombre d'usines. Les véhicules sans conducteur, par exemple, nécessiteront des capacités accrues en informatique, ce qui affectera les besoins d'énergie et de refroidissement dont les véhicules ont besoin. Des composants haute technologie pourront certes être livrés sous forme de modules préassemblés, mais leur installation nécessitera la présence sur la ligne d'assemblage de travailleurs aux compétences de plus en plus avancées.

Or les véhicules partagés seront utilisés environ 95 % du temps par plusieurs utilisateurs aux styles de conduite variés. En effet, les analystes estiment que le consommateur moyen utilise une voiture environ 5 % du temps. En outre, les véhicules destinés au partage seront fabriqués autrement que ceux destinés aux propriétaires.

L'évolution rapide des options de mobilité oblige les constructeurs automobiles à miser sur celles qui préfigurent l'avenir du transport. (Image © ansonmiao / iStock)

Pour résister à une utilisation annuelle 80 000 à 160 000 kilomètres au lieu de 16 000 à 24 000 kilomètres aujourd'hui, les spécifications des véhicules partagés devront être beaucoup plus sévères en matière de robustesse, d'où une plus grande complexité de fabrication.

« Face à des véhicules qui pourraient être autonomes, capables de fonctionner régulièrement, ou encore utilisés en covoiturage, la réponse de l'industrie n'est pas évidente », explique David Andrea, vice-président exécutif de la recherche au Centre pour la recherche automobile (CAR) d'Ann Arbor, Michigan. « On ne saura pas vraiment comment le véhicule sera utilisé. »

DES PRODUITS DIFFÉRENTS SORTANT D'UNE SEULE ET UNIQUE USINE ?

Que fabriquer et comment le commercialiser n'est cependant que le début du défi pour les constructeurs automobiles. Compte tenu de la pléthore d'options de consommation, la ligne de fabrication doit faire un bond en avant dans la sophistication.

« Nous allons essayer d'analyser différentes plates-formes et types de moteurs et structures de véhicules », déclare Brian Krinock de Toyota. « Nous aurons besoin de systèmes plus flexibles dans notre usine. »

Selon lui, un début de solution consisterait à accroître l'utilisation de chariots de transport autoguidés (AGV) dans l'usine, pour un déplacement plus fluide des pièces et des composants, ainsi que des ouvriers et des véhicules partiellement assemblés.

David Andrea du CAR estime quant à lui que les sous-chaînes de montage, qu'il appelle « spurs », alimenteront les grandes chaînes de montage. Ces spurs pourraient être situés à l'intérieur de l'usine de montage ou hors site, par exemple, dans les installations d'un fournisseur de premier rang. Les spurs pourraient assembler un plus grand nombre de sous-systèmes puis ordonnancer leur arrivée dans l'usine principale.

Toutefois, cette vision a des incidences importantes sur les relations entre les assembleurs et leurs nombreux niveaux de fournisseurs. Les relations devront être plus diversifiées et plus flexibles pour s'adapter aux véhicules construits un jour donné.

« Le Saint Graal, c'est la personnalisation de masse », déclare David Andrea.

À l'heure actuelle, l'industrie peut assembler plus d'un type de véhicule sur la même chaîne et changer les niveaux d'équipements et d'autres accessoires pour répondre aux goûts d'un acheteur particulier. Il faudra néanmoins beaucoup plus de flexibilité pour faire face à la multiplication des types de véhicules.

L'utilisation accrue de la modélisation et de la simulation dans la fabrication est une pièce essentielle du puzzle. Toyota par exemple sait dès la phase de conception quelles pièces seront nécessaires pour assembler une voiture et comment la ligne d'assemblage doit être configurée. Le constructeur peut même utiliser la réalité virtuelle pour prévoir les réactions du conducteur dans le véhicule, et ce même avant d'avoir de lancer la production.

RELATIONS CLIENT À SAISIR

La fabrication n'est pas la seule grande fonction qui va connaître des bouleversements. L'évolution des structures de propriété pourrait bien déclencher un séisme dans les relations des fabricants avec les consommateurs.

Dans la plupart des pays, les fabricants livrent les voitures aux concessionnaires, qui gèrent ensuite la relation consommateur. Cependant, dans certaines juridictions, la loi n'autorise pas tout le monde à posséder une concession. Au Japon en revanche, les concessions sont détenues directement par les constructeurs.

Au fur et à mesure de l'émergence de nouvelles technologies, les fabricants doivent mettre à jour le logiciel des véhicules privés via des liens de communication sans fil, comme Tesla le fait déjà aujourd'hui. Mais, lorsque les constructeurs auront commencé à traiter directement avec les propriétaires, qui sera responsable de la relation client : le fabricant ou le distributeur ? Autre question, est-ce que les services d'autopartage vont venir s'immiscer entre les utilisateurs et les constructeurs ou entre les utilisateurs et les distributeurs ?

Dans l'espoir de contrôler cette dynamique, tous les grands constructeurs automobiles ont investi dans les services de covoiturage et ont étudié les modèles, tels que Zipcar, qui met des voitures à disposition pour une location facile. Cependant, tandis qu'ils étudient le problème, d'autres modèles émergents pourraient perturber encore davantage la relation client.

Prenons l'exemple du programme BOOK by Cadillac annoncé en janvier 2017 et inauguré à New York. En échange d'un forfait mensuel de 1 500 dollars, les clients peuvent se faire livrer la Cadillac de leur choix devant leur porte par un service de conciergerie qui, si l'on en croit BOOK, sera très haut de gamme. S'ils veulent faire de la route, les clients pourront demander une berline Cadillac haute performance. S'ils prévoient d'aller skier, ils pourront échanger la hot rod contre un SUV Escalade.

L'entretien, l'assurance et tous les autres aspects de la possession d'un véhicule sont gérés par Cadillac. Les véhicules sont réservés par le biais d'une application mobile, et le kilométrage est illimité. « Nous avons réalisé qu'il était possible de proposer aux clients [ou membres, dans le cas de BOOK by Cadillac une option allant au-delà des modèles traditionnels de propriété des véhicules », explique Eneuri Acosta, directeur des communications de BOOK. « Nous avons repéré un créneau dans la promotion et la simplification de la propriété d'un véhicule : celui d'une plate-forme unique où les membres de BOOK trouvent la réponse à tous leurs besoins de véhicules. »

Si le programme fonctionne à New York, Cadillac prévoit de l'étendre à d'autres villes. Ainsi, pour la première fois, la marque haut de gamme de General Motors est en interaction directe avec des utilisateurs finaux de manière systématique - et ce sans passer par les concessionnaires.

Est-ce que BOOK va perturber les services de covoiturage, ou simplement se substituer aux concessionnaires de GM ? Le futur visage de la mobilité est en jeu, et les changements rapides continueront de poser des défis logistiques aux constructeurs, fournisseurs et concessionnaires tout en offrant aux consommateurs un choix plus vaste que jamais.

Pour plus d'informations sur le Futur de la mobilité, visitez : http://3ds.one/MobilityFuture

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