Ressources naturelles

OYU TOLGOI

Dan Headrick
28 October 2015

3 minutes

Alors que l’industrie minière s’enfonce davantage pour extraire des minerais vitaux, les chefs de file commencent à adopter des techniques de production « au plus juste », dites lean, couramment employées dans les secteurs manufacturiers depuis des décennies, pour engranger plus de valeur.

À Oyu Tolgoi, dans le sud du désert de Gobi où les nomades mongols font paître leurs troupeaux, une nouvelle mine de cuivre et d’or pousse l’industrie minière vers un grand bond en avant. Cette mine, sous la houlette de l’entreprise anglo-australienne Rio Tinto, est un laboratoire à ciel ouvert où seront testés les principes de production lean, adoptés par la plupart des secteurs industriels depuis plus de 30 ans pour se protéger des variations du marché.

Les entreprises minières ne connaissent que trop bien les revirements économiques. Après des années de croissance exceptionnelle, le prix des matières premières s’effondre et les nouveaux gisements se font rares. Bon nombre d’entre elles réduisent ainsi considérablement leurs immobilisations et retardent les investissements cruciaux, appliquant une stratégie de stagnation avec fermeture de mines et licenciements en attendant une reprise de croissance.

« NOUS ASSISTONS AUX PRÉMICES D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME DANS L’INDUSTRIE MINIERE. »

MIKE MACFARLANE
INGÉNIEUR ET CONSULTANT DANS L’INDUSTRIE MINIÈRE

Pour la première fois, quelques entreprises innovantes empruntent une autre voie. « Nous assistons aux prémices d’un changement de paradigme dans l’industrie minière », prédit le Canadien Mike MacFarlane, ingénieur, consultant pour l’industrie et ancien directeur général adjoint d’AngloGold Ashanti, l’une des plus grandes entreprises minières dumonde. « Aux États-Unis, la production automobile n’a eu aucun concurrent des années 1940 à 1970. Dans les années 1980, les petites voitures japonaises ont changé la donne. Dans cette analogie, le secteur minier se trouve au milieu des années 1980. »

UN CADRE AUTO DANS LES MINES

Sam Walsh, vétéran de l’industrie automobile avant de devenir le PDG de Rio Tinto, est l’un des plus ardents défenseurs de la production lean. « Si je faisais le bilan de ce que le secteur automobile m’a appris et que j’ai transposé aux opérations minières de Rio Tinto, j’insisterais sur la valeur et l’efficacité », déclare-t-il à la Chambre de Commerce australienne et néo-zélandaise au Japon, lors du Lean Japan Tour de Rio Tinto en 2012. « Au fond, il s’agit de supprimer les variantes et les déchets à chaque étape de la production. »

Néanmoins, les mineurs ne travaillent pas dans des usines automatisées, avec des processus répétitifs et prévisibles. La nature unique de cette activité rend l’application des pratiques lean extrêmement complexe. Les entreprises minières mènent des opérations de prospection, d’extraction et de transformation à une échelle colossale, dans des lieux reculés et des conditions particulièrement rudes. Le marché des minerais est lui aussi un environnement difficile car fluctuant au gré des événements économiques, des bouleversements politiques, de la météo et des catastrophes naturelles.

« SI JE FAISAIS LE BILAN DE CE QUE LE SECTEUR AUTOMOBILE M’A APPRIS ET QUE J’AI TRANSPOSÉ AUX OPÉRATIONS MINIÈRES DE RIO TINTO, J’INSISTERAIS SUR LA VALEUR ET L’EFFICACITÉ. »

SAM WALSH
PDG, RIO TINTO GROUP

S. Walsh, comme d’autres, rétorque que l’industrie minière est une usine et doit être exploitée comme telle. Par exemple, Rio Tinto bannit les déchets en lançant de nouvelles technologies comme des véhicules de transport autonomes et des centres de commande des opérations éloignés des mines ; mais aussi la collecte et l’analyse des données pour coordonner l’automatisation et les technologies. Les coûts de production ont ainsi diminué, ce qui permet à l’entreprise d’investir dans des projets de grande envergure, tels qu’Oyu Tolgoi, qui extrait le cuivre essentiel aux marchés émergents de l’énergie propre.

DES ÉCONOMIES TRANSVERSALES

Les principes de production lean imposent aux diverses fonctions d’une entreprise de coopérer et se coordonner avec fluidité. « Les entreprises minières pratiquent un cloisonnement opérationnel extrême », révèle Emilie Ditton, consultante pour l’industrie minière auprès d’International Data Corporation (IDC), basé à Sydney. « Elles optimisent le rendement des camions, réduisent les coûts de carburant et gèrent l’efficacité du transport du minerai sur les tapis roulants. Mais si une opération de production livre une unité de transformation incapable de traiter la totalité du volume entrant, les résultats de production finaux ne sont pas améliorés. » Selon elle, les entreprises minières disposent des actifs, de la technologie et de l’accès aux données. « Il leur faut une stratégie de gestion des données à l’échelle de l’entreprise. » Bien plus que de nouvelles technologies, les mines ont besoin d’une stratégie d’investissement organisationnel dans l’interprétation des données. Elle admet cependant que prendre un risque pour une idée nouvelle exige un management fort. « Nous ne disposons pas encore d’exemple convaincant qui justifie un tel risque. »

Oyu Tolgoi pourrait bien devenir cet exemple convaincant. Cette année, alors que la plupart des exploitations minières vendent des actifs et réduisent leurs dépenses, Rio Tinto entamera la phase de développement souterrain de la mine – US$5,4 milliards –, laquelle devrait atteindre sa pleine capacité en 2021.

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