Lors du boom de l’exploitation minière ces dernières années, les sociétés minières avaient pour objectif d’extraire du sol autant de minerai que possible, aussi rapidement que possible ; contrôler de près les coûts et la productivité globale n’était pas une priorité. Résultat : l’industrie minière a augmenté sa production mais n’a pas profité de la hausse du bénéfice marginal qui aurait dû l’accompagner.
« L’exploitation minière a connu une faible croissance pendant la majeure partie du 20e siècle et nous avons été pris au dépourvu par le rythme de l’urbanisation et de l’industrialisation de la Chine au début du 21e siècle », déclare Andrew Mackenzie, PDG de BHP Billiton, une société internationale spécialisée dans les ressources minières, dans un discours prononcé au Melbourne Mining Club en juin 2013. « Nous avons pu satisfaire la demande en partie, avec des coûts d’exploitation élevés, bien plus élevés. Et nombreuses sont les entreprises qui ont peu investi, au détriment de leurs propriétaires. Trouver cinq dollars d’économie par tonne de minerai ne semblait pas aussi urgent lorsque les prix grimpaient en flèche. Mais maintenant, c’est vraiment très important. »
Les entreprises qui ont exploité les gisements les plus faciles, se voient contraintes de se tourner vers des régions plus reculées, ce qui coûte plus cher. Trouver un environnement politique favorable et résoudre des problèmes de main-d’œuvre, de financement, de suivi et de sécurité est plus difficile et plus onéreux dans des régions lointaines.
LES TECHNOLOGIES À CONTRIBUTION
minière intitulée « Tracking the Trends 2013 », le cabinet international de conseil Deloitte observe que les coûts atteignent des « sommets intenables et la tendance devrait se poursuivre si les entreprises n’améliorent pas leur efficacité opérationnelle, ne contrôlent pas de manière proactive leurs dépenses de maintenance et n’investissent pas dans des technologies permettant de réduire les coûts ». Les conditions difficiles de l’exploitation des mines et les défis qui se posent « exigent un niveau de capacité d’analyse qui fait défaut à de nombreuses entreprises », souligne le rapport. « Des gains importants attendent les entreprises qui investissent aujourd’hui. »
Cet appel à investir dans de nouvelles technologies trouve écho. « Il y a peu de temps encore, les sociétés minières gagnaient de l’argent quoi qu’elles fassent, mais la situation change rapidement », observe Chris Holmes, Directeur international chez IDC Manufacturing Insights, société d’études et de conseil. « La manière dont ces organisations sont gérées est complètement repensée. L’accent est mis sur la productivité et l’efficacité, ce qui mène à un débat sur la technologie incluant les solutions de gestion de projets et de chaîne logistique, ainsi que des outils complexes de communication et de simulation. »
Mark Cutifani, PDG de la multinationale minière britannique Anglo American, conseille aux entreprises du secteur minier de se tourner vers d’autres industries, comme celles du pétrole, de l’aviation et l’industrie manufacturière, pour s’inspirer des technologies qui leur ont permis de répondre à ces besoins et trouver notamment des solutions pour la conception, le mapping, la modélisation et la simulation.
Lors de l’assemblée générale annuelle d’avril 2013, M. Cutifani a déclaré aux actionnaires de son entreprise que « même si nous avons accompli beaucoup de choses, nous ne pouvons mener nos activités comme avant. Le cours de nos actions stagne comparé à celui de nos pairs et nous ne sommes pas récompensés à la hauteur du potentiel que nous avons injecté dans notre portefeuille d’actifs ».
OPTIMISER LES STRATÉGIES
Modélisation du site, optimisation de la chaîne d’approvisionnement, automatisation de l’exploitation minière, suivi de la maintenance et planification stratégique, les opportunités ne manquent pas pour gagner en efficacité et réduire les coûts.« Nous devons être en mesure d’organiser les mines et les systèmes logistiques de manière à pouvoir réagir à l’évolution de la demande et réduire les risques et l’incertitude », explique le Dr. Jörg Benndorf, professeur en ingénierie des ressources au département Géosciences et Génie Civil de l’université technique de Delft. « Il faut entre 10 et 15 ans pour mettre en œuvre un projet minier, sans compter les milliards investis. Vous ne pouvez pas simplement réagir aux variations du marché ; vous devez adopter les stratégies adéquates pour justifier l’investissement et mettre les projets en œuvre avec succès. »
Certaines entreprises minières ont recours à des experts issus d’autres industries pour les aider à passer à l’action. « Quelques sociétés d’exploitation de ressources naturelles ont recruté des responsables de chaîne logistique qui travaillaient dans la vente au détail et les produits de grande consommation afin de mettre en place certains des processus de chaîne logistique les plus récents et les technologies nécessaires », poursuit C. Holmes, IDC. « Je pense que cette tendance va se confirmer. »
M. Cutifani encourage l’industrie minière à développer « un modèle de fonctionnement et d’exécution des projets qui puise son inspiration dans d’autres secteurs que l’industrie minière, afin d’aider à la mise en place des plans et disciplines nécessaires pour améliorer l’application de leur stratégie. Nous pourrons ainsi mettre en place les processus sous-jacents qui permettront d’améliorer notre compétitivité opérationnelle, nos marges et le rendement de notre capital. »
GÉRER LE CHANGEMENT
L’avenir ne s’annonce pas forcément simple pour l’industrie minière. C. Holmes et le Dr. Benndorf s’accordent à dire que la difficulté principale à surmonter sera la gestion du changement.
« L’exploitation minière est une industrie très conservatrice et mettre en place des changements prend généralement beaucoup de temps », remarque J. Benndorf. « Le facteur déclenchant a manqué parce que l’exploitation minière était une activité très lucrative. Mais nous sommes maintenant obligés de trouver les moyens de réduire les coûts. Dans ce contexte, les entreprises sont prêtes à rechercher des moyens plus judicieux d’effectuer la maintenance, la planification et la mise en oeuvre de la production. Mais cela nécessite un engagement de la hiérarchie. »
C. Holmes est convaincu qu’un changement de culture est une condition préalable à l’adoption des technologies. « Nous devons commencer à parler de techniques de rationalisation dans l’industrie minière comme le font déjà d’autres industries », insiste-t-il. « Il est important pour les entreprises minières de s’inspirer de la manière dont les autres industries ont appréhendé ce problème. Nous avons besoin d’un changement radical de notre pensée et de notre culture organisée du haut vers le bas afin que les choses se mettent en place. »