Modéliser les océans

Découvrir comment l'industrie maritime utilise les technologies 3D pour la protection des océans

Nick Lerner
1 December 2020

7 minutes

Dans le monde entier, les entreprises maritimes doivent se conformer aux réglementations strictes en matière de protection des océans. Compass revient sur l'expérience de trois entreprises de l'industrie et la manière dont les technologies 3D ont pu les aider à protéger les océans dont leurs activités dépendent.

Face au renforcement de la législation et au constat de notre dépendance à l'égard des écosystèmes marins fragiles, il est essentiel que le secteur maritime protège activement les océans dont ils dépendent.

De plus en plus, les entreprises de ce secteur se tournent vers des ressources virtuelles avancées. L'objectif est non seulement de prédire les résultats de stratégies d'atténuation des risques, mais aussi d'expliquer aux opérateurs sceptiques la manière dont ces technologies peuvent les aider à rentabiliser et sécuriser leurs opérations tout en les rendant plus respectueuses de l'environnement.

L'une de ces entreprises, basée à Helsinki, Wärtsilä, leader mondial des technologies intelligentes et des solutions complètes de cycle de vie pour les secteurs de la marine et de l'énergie, s'est engagée à ouvrir la voie en matière de transport maritime durable. Les moteurs diesel à quatre temps de Wärtsilä sont utilisés aux quatre coins du monde par plus de la moitié de la flotte internationale. Ils ont été reconnus par le Livre Guinness des records comme « les plus efficaces au monde », pour leur faible consommation de carburant et leur impact réduit sur l'environnement.

Comment cette entreprise s'y prend-elle ? En créant un système combinant des modèles de jumeaux virtuels en 3D de ses moteurs, avec des données de performance hébergées dans le cloud que les exploitants de navires peuvent utiliser pour affiner leurs opérations en temps réel, garantissant ainsi des performances optimales.

« L'accès en temps réel à plusieurs sources de données, l'apprentissage automatique et l'utilisation de l'intelligence artificielle permettent aux exploitants de coordonner et d'optimiser les performances des navires et des systèmes embarqués », explique Steffen Knodt, directeur de Digital Ventures chez Wärtsilä. « Itinéraires, courants, conditions météorologiques, logistique, accès aux ports, état des équipements des navires, consommation de carburant... En associant l'ensemble de ces données, il est possible de minimiser la consommation d'énergie et d'améliorer l'efficacité opérationnelle, tout en réduisant de 50 % les émissions des navires à l'horizon 2050 conformément à l'objectif de l'Organisation maritime internationale des Nations Unies. »

Les machines des paquebots Wärtsilä fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL) permettent d'améliorer la consommation de carburant. (Image © Wärtsilä)

Il est important de réduire les émissions de carbone dans le transport maritime. Selon le Smithsonian Institute, 22 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) sont absorbées chaque jour par les océans, provoquant l'acidification de l'eau. Ce phénomène, connu sous le nom de « jumeau maléfique du changement climatique », est si rapide que de nombreuses formes de vie marine ne peuvent pas s'adapter assez rapidement et meurent. Aux États-Unis, le National Ocean Service, une agence du National Oceanic and Atmospheric Service (NOAA), rapporte que les émissions de carbone contribuent également au réchauffement des océans et perturbent les courants océaniques qui permettent de réguler naturellement la température de la Terre.

Il ne fait aucun doute que la protection de l'environnement va de pair avec la protection des océans. Mais contrairement à une croyance de longue date, les exploitants maritimes découvrent que protéger les océans peut également être bénéfique à leurs activités.

« Prendre conscience de la situation et avoir l'esprit ouvert grâce au partage de données est un premier pas en faveur du développement durable. Les avantages commerciaux sont indéniables, notamment en termes de productivité et d'efficacité accrues », affirme Steffen Knodt. « Il est possible de gérer les ports comme des aéroports pour économiser du temps et de l'énergie en adoptant des concepts de villes intelligentes, mais également de mettre au jour, tester, optimiser et valider de nouvelles méthodes de travail grâce à la simulation 3D. »

Nettoyer les eaux de ballast

En mer, jusqu'à 200 000 mètres cubes d'eau de ballast sont utilisés, par voyage, pour maintenir la stabilité, équilibrer le poids du fret ou du carburant, et garder les hélices et gouvernails immergés. Chaque année, des millions de mètres cubes d'eau de ballast sont pompés et renvoyés dans la mer, un processus qui, comme l'indique l'Organisation mondiale de la santé, aspire involontairement des milliers d'espèces marines, d'agents pathogènes et d'organismes, qui sont ensuite rejetés dans le monde entier.

Les effets négatifs de l'eau de ballast comprennent le déclin d'espèces indigènes, mais aussi le blocage et les dommages causés au drainage onshore et aux infrastructures portuaires à cause des infestations d'espèces non indigènes. Selon les experts scientifiques de l'Université Cornell de New York, les espèces envahissantes sont responsables d'environ 138 milliards de dollars américains par an de pertes de revenus et de coûts de gestion, rien qu'aux États-Unis. Les dommages vont de la réduction des stocks de poissons à la fermeture de fermes piscicoles et de plages récréatives, en passant par l'impact sur la santé humaine et les pertes et dommages concernant la biodiversité. La raison ? Des plantes et crustacés non indigènes qui creusent et érodent les défenses marines ou obstruent les tuyaux et les filets de pêche.

L'eau de ballast peut même entraîner la propagation de maladies. En 1991, selon le New Scientist Magazine, une décharge d'eau infectée par le choléra au Pérou a tué 12 000 personnes en Amérique latine et au Mexique. L'année suivante, la même souche a été détectée en Amérique du Nord par la Food and Drug Administration des États-Unis.

Nous utilisons des simulations 3D pour expliquer aux partenaires, fournisseurs, organismes de financement et clients la manière dont fonctionnent les produits, les nouvelles technologies et les systèmes complexes.

DANIEL CHO

PDG et co-fondateur, Onvector

L'OMI combat ces problèmes en mettant en place des réglementations exigeant que la flotte mondiale, soit environ 52 000 grands navires (plus de 137 mètres de long), nettoie ses eaux de ballast avant de les décharger. Ces réglementations, qui prendront pleinement effet en 2027, impliquent une demande croissante pour les systèmes de traitement des eaux à bord. La société de recherche Energias prévoit qu'au cours des quatre prochaines années, la demande de systèmes conformes passera d'environ 15 à 106 milliards de dollars américains.

L'une de ces entreprises, basée aux États-Unis, Onvector, cherche à capitaliser sur la question. Dans le cadre du programme « SeaAhead » initié à Boston, qui fournit un soutien sous forme de réseau et de conseils aux start-ups innovant en matière de développement durable pour les océans, Onvector développe des technologies avancées de traitement des eaux de ballast au plasma haute tension et au gaz ionisé. Le plasma est créé en chargeant certains gaz avec de l'énergie, ce qui libère des électrons. Les réactions qui en découlent tuent même les bactéries transmissibles par l'eau les plus résistantes.

« Notre technologie sera non seulement totalement conforme à toutes les réglementations actuelles, mais ira même plus loin. Le plasma constitue une approche fiable de désinfection des eaux non chimiques, et permet de nettoyer à moindre coût plus efficacement et plus facilement que n'importe quel autre système », explique Daniel Cho, PDG et fondateur d'Onvector.

« Mais il reste un défi : éduquer les acheteurs potentiels et leurs investisseurs en matière de nouvelles technologies sophistiquées, en dehors de tout avantage.

Nous utilisons des simulations 3D pour expliquer aux partenaires, fournisseurs, organismes de financement et clients la manière dont fonctionnent les produits, les nouvelles technologies et les systèmes complexes. L'objectif ? Faciliter la communication afin de créer des innovations majeures en termes de matériaux, de fabrication et d'applications embarquées et de répondre aux défis pluridisciplinaires. »

Protéger la vie marine

Ashored, autre membre de SeaAhead, est une entreprise spécialisée dans les technologies océaniques, basée en Nouvelle-Écosse, au Canada. Son objectif est d'allier les intérêts commerciaux à la protection des écosystèmes marins. Ashored a notamment développé un système de bouées pour les pièges à crabe et à homard, qui protège les mammifères marins tout en améliorant l'efficacité de la récolte.

« Pour éviter que des espèces menacées se retrouvent prises dans les cordages, les accords commerciaux internationaux exigent que lorsque des baleines sont repérées dans les zones de pêche, les lignes de bouées verticales ou de surface soient retirées », explique Aaron Stevenson, PDG d'Ashored. « Rien qu'en 2018, plus de 60 bateaux au Nouveau-Brunswick ont été impactés et se sont trouvés dans l'incapacité de pêcher tant que les baleines étaient présentes. »

Pour éviter d'interdire la pêche, Ashored a développé un système de libération de bouées sous-marin, sans lignes. La solution fonctionne avec les pièges à homard et à crabe existants et permet de remonter les bouées à la surface pour la récolte, grâce à un système acoustique (ou une minuterie de secours si besoin).

« L'hébergement de données dans le cloud permet aux pêcheurs de savoir précisément où se trouvent leurs pièges et de remonter les bouées en même temps que l'arrivée du bateau », explique Aaron Stevenson. Travailler ainsi augmente la productivité et réduit les risques relatifs à la pêche. Autre avantage : les bouées étant sous l'eau jusqu'à leur remontée, il est possible de garder le secret de ses emplacements de pêche.

L'entreprise a utilisé la modélisation et la simulation 3D pour avoir une idée précise des performances du système et de l'expérience d'utilisation. L'objectif ? S'assurer que son produit fonctionne comme prévu.

« Les défis auxquels nous sommes confrontés ne sont pas seulement d'ordre commercial ou environnemental, ils relèvent également des matériaux et systèmes qui doivent parfaitement interagir pour fonctionner dans des environnements difficiles », affirme Aaron Stevenson. « La modélisation 3D au stade de la conception nous permet de simuler et de perfectionner l'utilisation d'équipements en conditions réelles de mer agitée, avec des gants en caoutchouc épais. La simulation offre une vue d'ensemble facile à comprendre pour tout le monde. »

Ashored travaille sur la mise au point d'un logiciel avancé de suivi des pièges et d'optimisation des captures afin de l'ajouter à sa plate-forme basée sur le cloud et d'améliorer sa précision opérationnelle. Cela permettra d'économiser du temps et du carburant tout en compilant une base de données sur les habitats et les prises de crustacés, afin d'optimiser les rendements à venir. Selon Aaron Stevenson, cela devrait permettre de prendre « de meilleures décisions, plus rentables, qui améliorent la réputation de l'industrie des crustacés en matière de durabilité, en protégeant activement les baleines dans leur environnement marin ».

D'après les Nations Unies, la vie de plus de 3 milliards de personnes dépend des ressources marines et côtières. Pour conserver ce moyen de subsistance essentiel, « il est nécessaire de changer la manière dont les humains voient, gèrent et utilisent les océans et ressources marines ». Comme le démontrent Wärtsilä, Onvector et Ashored, les univers virtuels sont un puissant outil pour les entreprises du secteur maritime, quelle que soit leur taille, afin de protéger les océans dont elles dépendent. ◆

Cliquez ici pour plus d'informations sur la manière dont les technologies 3D permettent de protéger les océans.

Autres resources

S'abonner

Abonnez-vous pour recevoir notre newsletter mensuelle