Réinventer la mobilité urbaine

Les villes cherchent des moyens innovants de donner de l'espace aux piétons, aux véhicules et aux bicyclettes

Jacqui Griffiths
7 June 2019

8 minutes

La congestion urbaine représente un défi toujours plus grand, qui pousse autorités locales et entreprises privées à rechercher des réseaux de mobilité plus durables et efficaces pour les piétons, les cyclistes et les automobilistes. Les solutions intelligentes, intégrées aux véhicules automatisés et aux applications pour garantir une planification fluide des trajets, ouvrent la voie à une mobilité urbaine plus sûre, plus propre et plus fiable.

Dans les villes du monde entier, il est de plus en plus difficile de se déplacer. Les embouteillages entraînent retards et frustration, rendent certains itinéraires inaccessibles aux heures de pointe, et contredisent l'idée de commodité et de liberté de mouvement qui a rendu la voiture si populaire.

Pendant que les conducteurs fulminent face à la circulation, les usagers des autobus, des tramways ou des trains, parfois obligés d'utiliser les mêmes routes, sont souvent confrontés à des attentes interminables dans les gares, aux arrêts et aux stations. Entre deux modes de transport, ils rejoignent cyclistes et piétons qui, dans certaines zones, portent des masques pour se protéger des gaz d'échappement lorsqu'ils circulent dans les rues embouteillées.

Dans la plupart des villes, la planification coordonnée visant à faire coexister pacifiquement les différents types de transport est insuffisante, voire inexistante, et les citadins semblent condamnés à entreprendre des déplacements sans cesse plus frustrants et dangereux. C'est pourquoi innovateurs et entrepreneurs se joignent aux services municipaux pour développer des solutions.

À Helsinki, par exemple, les voyageurs utilisent l'application Whim pour planifier leurs trajets en sélectionnant leurs modes de transport favoris, des bus aux vélos partagés, en passant par les trains, les tramways ou les taxis – et peuvent tout payer via l'application. Si leur trajet change, ils peuvent ajuster leur itinéraire et leurs modes de transport en temps réel, afin de les optimiser et de minimiser les retards. Cette solution de Mobility as a Service (MaaS) illustre bien comment la technologie peut permettre de gérer de façon globale des questions de mobilité urbaine, sur une base individualisée.

« Les éléments techniques, tels que les services sur le cloud, les API et l'intégration entre les systèmes, permettent désormais de combiner tous les modes de transport de façon pratique et transparente, et ainsi de proposer une solution alternative qui concurrence avantageusement la liberté acquise à posséder une voiture », déclare Sampo Hietanen, fondateur et PDG de MaaS Global, la société mère de Whim, basée en Finlande.

PROMOUVOIR LE CHANGEMENT

Le succès de Whim à Helsinki – et son déploiement dans certaines villes de Belgique et du Royaume-Uni – montre bien comment les technologies, de plus en plus disponibles sur les appareils mobiles, facilitent la mise en place de transports urbains aux possibilités nombreuses, offrant toute la liberté qui était autrefois l'apanage de la voiture individuelle.

« Les abonnements personnels de mobilité urbaine sont amenés à évoluer de la même façon qu'ont évolué les contrats de téléphonie mobile », explique M. Hietanen. « Depuis plus d'une décennie, les jeunes citadins obtiennent leur permis de conduire plus tardivement et, dans certaines villes, le nombre de propriétaires de voitures diminue. La génération Y ne rêve plus de posséder une voiture ; elle veut faire l'expérience de la MaaS et, jusqu'à présent, ses attentes en la matière sont restées insatisfaites. »

Pendant ce temps, dans le West Midlands, un comté métropolitain d'Angleterre, un réseau de transport plus réactif et plus pratique est en train de voir le jour, grâce à l'utilisation du partage des données qui permet de connecter les voyageurs à des destinations clés, telles que leur lieu de travail, leur logement ou les lieux d'enseignement. « Le partage de données entre les véhicules pourrait aider le réseau de transport à réagir rapidement aux perturbations et à l'évolution de la demande », déclare Laura Shoaf, directrice générale de Transport for West Midlands (TfWM), l'organisme public responsable de la coordination des services de transport dans le comté. « Les technologies comme celles des véhicules connectés et autonomes sont basées sur ce potentiel, les véhicules étant en mesure d'échanger des données les uns avec les autres pour optimiser les itinéraires qu'ils empruntent sur le réseau. »

La MaaS promet en fin de compte aux voyageurs urbains une expérience transparente combinant plusieurs modes de transport, pour les emmener où ils le souhaitent, sans difficulté de stationnement, attentes interminables ou trajets fastidieux vers les stations de transport. En fait, la MaaS propose une myriade d'opportunités de trajets pour environ 616 euros (689 $US), soit le coût mensuel moyen de la possession d'une voiture en Europe, selon l'indice annuel du coût des voitures 2018 de la société de crédit-bail automobile LeasePlan. Ce coût est similaire aux États-Unis, avec en moyenne 706 $US (628 euros) par mois, selon les chiffres de l'American Automobile Association pour 2017.

« Pour le coût moyen de possession d'une voiture, les voyageurs pourraient bénéficier d'options de mobilité illimitées (trains, bus, tramways, taxis, vélos partagés et large choix de voitures), chaque fois qu'ils ont besoin de se déplacer, à travers le pays, mais également dans les villes du monde entier », déclare Sampo Hietanen de MaaS Global.

UNE PLUS GRANDE AUTONOMIE

Les transports publics ne sont pas le seul domaine d'intervention privilégié pour l'amélioration de la mobilité urbaine. Beaucoup de gens aiment leur voiture, même s'ils n'apprécient pas forcément de devoir conduire en ville. À l'ère de la haute technologie et de la conduite autonome, de multiples solutions intégrées sont en passe de transformer nos véhicules en « centres de données productifs et, en fin de compte, en simples composants d'un réseau de mobilité plus vaste », prédit le cabinet de conseil McKinsey, dans un article de 2019 intitulé « Mobility's second great inflection point ».

L'émergence des véhicules électriques, combinée à l'automatisation, en est le grand catalyseur.

« L'arrivée des véhicules électriques a coïncidé avec le développement des voitures autonomes et des réseaux routiers intelligents », explique Heikki Laine, vice-président Produit et Marketing chez Cognata, une entreprise israélienne qui utilise l'intelligence artificielle pour fournir des environnements de test virtuels pour les véhicules autonomes. « Le phénomène a pris de l'ampleur avec l'entrée en jeu des géants de la technologie, qui travaillent avec les startups et les constructeurs de véhicules pour changer la façon dont les biens et services sont fournis aux clients. »

Cognata utilise l'intelligence artificielle pour créer des environnements de test virtuels pour les véhicules autonomes. (Image © Cognata)

Il faudra peut-être un certain temps avant que les véhicules autonomes (VA) ne deviennent un spectacle habituel dans les rues de la ville, mais des progrès sont en cours.

« Des VA sont actuellement testés dans plusieurs États des États-Unis, et la Chine travaille de plus en plus sur les innovations en matière d'autonomie des véhicules », explique Heikki Laine. À Singapour, par exemple, des réglementations concernant l'utilisation des VA ont vu le jour. »

Alors que les villes intelligentes, les autoroutes et les véhicules connectés sont déjà des concepts établis, selon Heikki Laine, la dernière pièce du puzzle, le facteur humain, est en train de se mettre en place. « Il ne s'agit pas seulement de mettre des capteurs partout et de les connecter, il s'agit d'utiliser ces capteurs pour procéder à de réelles améliorations mesurables, pour rendre l'expérience de la ville plus attrayante », détaille-t-il.

SÉCURITÉ, RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT ET FIABILITÉ

L'expérience des trajets urbains doit devenir plus sûre, plus propre et plus fiable pour tous, que ce soit à pied, en deux roues ou dans un autre véhicule.

« J'aime avoir et conduire une voiture, mais j'aime aussi l'idée que l'automatisation rendra ma vie plus sûre et plus facile et réduira mon empreinte sur le monde grâce à une plus grande efficience », ajoute Heikki Laine. « Je serai sans doute le témoin d'énormes améliorations en la matière au cours de ma vie et j'en suis très enthousiaste. »

Selon un article de janvier 2019 de DesignNews.com, intitulé « 5 Predictions of Tech Disruptions in the Next Decade », bien que les véhicules connectés soient susceptibles de faire augmenter le volume du trafic sur les routes, ils pourront également permettre d'optimiser l'infrastructure de transport existante, car ils pourront circuler plus vite et plus près les uns des autres, en toute sécurité.

« Cela signifie qu'il sera possible de doubler ou tripler la capacité routière, sans avoir besoin d'élargir continuellement les autoroutes », mentionne l'article. « Lorsque les véhicules fonctionneront en coordination, la largeur des voies, les feux de signalisation, les longues voies d'insertion et une multitude d'autres caractéristiques deviendront utilisables en conduite. »

Selon une étude de la Commission européenne sur le changement climatique, les transports représentent près d'un quart des émissions de gaz à effet de serre en Europe et constituent la principale cause de pollution atmosphérique dans les villes. L'opportunité d'influer sur leur impact sur l'environnement est donc importante.

« La mobilité automatisée associe l'efficience à l'électricité (pour alimenter les automobiles), pour un impact réel et mesurable sur les émissions de carbone », déclare Heikki Laine. « Certaines villes d'Europe, par exemple, limitent déjà le trafic automobile, en particulier pour les véhicules qui n'utilisent pas d'énergie propre. Le passage à l'électricité, qui élimine les émissions finales, réduit ces émissions dans l'espace urbain. Même au niveau macro-économique, l'association de l'efficacité énergétique et d'une production d'énergie plus propre, grâce aux énergies renouvelables, se répercute sur la ville et impacte l'environnement dans son ensemble. »

Les technologies embarquées dans les téléphones et les véhicules publics et privés permettent désormais de gérer de façon globale les questions de mobilité urbaine, éliminant rapidement les obstacles à la fluidité du transport multimodal sur les routes. Mais il reste certaines lacunes à combler.

MOBILITÉ DURABLE

« Pour créer un modèle de mobilité urbaine durable, il faut implémenter la MaaS avant que les VA ne se multiplient sur les routes », affirme Sampo Hietanen. « Nous devons trouver des modèles qui permettent aux utilisateurs de disposer de choix individuels confortables. Pour les villes, cela constituera à l'avenir l'une des problématiques les plus importantes. Elles doivent dès maintenant commencer à planifier l'utilisation transparente de multiples modes de transport et des innovations qui en découlent. »

Alors que Heikki Laine prévoit une adoption progressive des VA dans les villes, les bases sont déjà présentes.

« Les campus universitaires et d'entreprises ont été les premiers à adopter les VA, car ils peuvent parcourir leurs infrastructures beaucoup plus rapidement », commente-t-il. « Les changements que nous observons - comme rendre les échanges plus conviviaux avec les robots taxis et spécifier les lieux de départ et d'arrivée - sont la version réduite de ce que les villes expérimenteront à l'avenir. À plus grande échelle, la ville de Los Angeles étudie comment relier le port et la gare de triage, pour mettre en œuvre des trajets en camion autonome. Doit-elle, par exemple, construire une voie séparée ou les VA peuvent-ils s'insérer dans le trafic habituel ? »

En France, un service de navette électrique autonome a été lancé à l'Université de Lille. Aux États-Unis, la société d'exploitation immobilière Brookfield Properties fournit des véhicules autonomes aux locataires du parc de bureaux Halley Rise à Reston, en Virginie, pour se rendre des immeubles de bureaux aux parkings.

Pour être performants, ces modèles devront trouver un équilibre délicat entre l'intérêt des voyageurs et ceux des parties prenantes telles que les fournisseurs de transport, qui sont traditionnellement opposés à la coopération, qu'ils estiment être un frein à leurs avantages concurrentiels.

« Beaucoup souhaitent que le concept de mobilité en tant que service se concrétise, mais nombreux sont également ceux qui veulent contrôler la façon dont il sera mis en place et s'approprier la relation avec l'utilisateur final », explique M. Hietanen. « Les utilisateurs finaux, quant à eux, veulent pouvoir bénéficier de tous ces services à partir d'un guichet unique, et choisir où ils y auront accès. Personne n'a les épaules assez solides pour gérer cela tout seul. Il est donc nécessaire de mettre en place une vaste coopération coordonnée. Il faut un écosystème. »

Selon Laura Shoaf de TfWM, lorsque cet écosystème se développera, les voyageurs urbains et les fournisseurs de transport en tireront tous un bénéfice.

« Les véhicules connectés et autonomes transmettront et recevront des données sur les embouteillages et la pollution », détaille-t-elle. « Le partage de ces données entre les propriétaires de véhicules, les constructeurs et les autorités du secteur public pourrait permettre d'optimiser les itinéraires, afin d'améliorer la qualité de l'air et de réduire les temps de trajet. Enfin, grâce à un meilleur partage des données sur les demandes de trajets et leurs usages, mettant l'accent sur l'utilisateur final, les autorités publiques et les prestataires de services pourront mieux planifier de nouveaux schémas de transport, afin que les investissements en la matière soient orientés vers des services qui répondent réellement aux besoins des utilisateurs. »◆

Pour en savoir plus sur les solutions de mobilité urbaine, consultez : https://go.3ds.com/5T5

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