Les entreprises et le cloud

La convergence des applications mobiles et sociales, et du Big Data sur le cloud change la donne concurrentielle.

Ron Miller
7 June 2014

6 minutes

Le paysage technologique ne cesse d’évoluer, mais les changements récents, soutenus par des technologies et des processus innovants du cloud, transforment la manière dont travaillent les entreprises. À mesure que les petites entreprises exploitent mieux les avantages du cloud, les grandes entreprises réalisent que chaque jour de retard pourrait leur coûter en avantages concurrentiels.

Les entreprises n’ont pas tardé à remarquer l’enthousiasme des consommateurs pour les applications sociales et mobiles, se livrant à une course effrénée pour les intégrer dans leurs modèles commerciaux. Le Big Data gagne également du terrain, surtout dans les industries où les données abondantes circulent comme la vente ou la santé. Et le cloud alimente et favorise ces tendances technologiques.Témoins de l’évolution de la façon dont les entreprises travaillent liée à la convergence des applications mobiles et sociales, du Big Data et du cloud, IDC et Gartner, deux cabinets d’analyse influents, ont donné un nom au phénomène. Privilégiant la convergence elle-même, Gartner nomme cette tendance la « conjonction des forces » (« the Nexus of Forces »).

IDC met l’accent sur le nouveau modèle informatique qui favorise cette convergence, qu’il appelle la « 3e plateforme », et prédit qu’elle donnera lieu à l’émergence de nouvelles solutions adaptées à chaque industrie.

Quel que soit leur nom, les deux concepts sont animés par la même réalité : l’informatique – et, par extension, les entreprises – du 21e siècle subit une transformation radicale.

PLUS PETITES, PLUS RAPIDES

Les petites et moyennes entreprises (PME), à la traîne dans l’accès à la technologie pendant des décennies, ont désormais pris le pas sur les grandes entreprises dans la course au cloud.

Image © ULKASTUDIO / thinkstock.com

Contrairement aux 1e et 2e plateformes, le cloud computing ne nécessite pas de gros budgets informatiques, de personnel ou de centres de données. Par conséquent, le coût de lancement d’une entreprise technologique a dramatiquement chuté. Logiciels et matériel peuvent se louer au mois, et les fournisseurs proposent autant de services de support qu’une organisation peut s’offrir. Quiconque détient une idée, une carte de crédit et une connexion Internet peut réserver un espace sur un serveur, louer une application ou deux (ou créer la sienne) et se lancer.

Les obstacles à l’entrée levés en grande partie, la convergence du cloud, des applications mobiles et sociales, et du Big Data encourage l’innovation, la croissance et un foisonnement d’entreprises. Selon Frank Gens, analyste chez IDC, d’ici 2018, un tiers du top 20 des leaders du marché « dans la majorité des industries, au-delà du secteur des technologies de l’information, sera mis à mal par de nouveaux concurrents et par des entreprises établies qui se seront réinventées, et utiliseront la 3e plateforme pour créer de nouveaux services et business model dans leur industrie ».

Pourquoi ces nouveaux venus représentent-ils un danger pour les entreprises les plus florissantes d’aujourd’hui ? L’étude financée par le fournisseur de services cloud Rightscale basé en Californie – qui constate des différences marquées dans la vitesse à laquelle les petites et les grandes entreprises adoptent les technologies cloud – apporte peut-être une réponse. Son rapport intitulé « State of the Cloud 2013 » révèle que parmi les PME, 41% utilisent de façon assidue les technologies dématérialisées, et seules 19% sont encore au stade expérimental. En revanche, parmi les grandes entreprises de plus de 1 000 employés, à peine 27% affirment avoir recours au cloud de manière intensive, dont 32% sont encore au stade expérimental.

Si les grandes entreprises observent et apprennent, le rapport montre que les adopteurs précoces récoltent les avantages qui pourraient changer la donne en matière de concurrence. Parmi les utilisateurs chevronnés du cloud, environ 80% font état d’un accès plus rapide aux infrastructures et une meilleure évolutivité ; moins de 30% des novices peuvent en dire autant. Environ 60% des utilisateurs expérimentés signalent une plus grande efficacité de leur personnel informatique et une couverture géographique étendue ; moins de 20% des nouveaux utilisateurs jouissent des mêmes avantages.

« Au lieu d’adapter le travail aux outils existants, il faut adapter les outils à la manière dont les individus veulent travailler aujourd’hui. »

JOHN HERSTEIN
Vice-président du service clientèle, Box

« Le cloud n’est pas simplement interne ou externe, il est partout », explique David W. Cearley, vice-président de Gartner, dans une vidéo annonçant les 10 principales tendances technologiques stratégiques de l’entreprise pour 2014, menées par les quatre piliers de la conjonction des forces. « Un cloud hybride est l’avenir, et le rôle de l’informatique en tant que conseiller, courtier, fournisseur et intégrateur dans cet environnement hybride est une tendance clé. La conjonction des forces est essentielle car ces tendances entraînent une rupture des technologies de l’information à venir ».

POURQUOI LE CLOUD ?

John Herstein, vice-président du service clientèle chez Box, fournisseur de services de stockage et de collaboration sur le cloud basé en Californie, remarque que les départements informatiques achetaient traditionnellement du matériel et des logiciels pour une 2e plateforme : les individus travaillant entre quatre murs. Aujourd’hui, explique-t-il, les applications sociales et mobiles sont la norme et le Big Data poursuit sa croissance. Pourtant, de nombreuses entreprises essaient encore de maintenir ces nouveaux modèles d’organisation avec d’anciens systèmes. « Au lieu d’adapter le travail aux outils existants, il faut adapter les outils à la manière dont les individus veulent travailler aujourd’hui », conseille J. Herstein lors de la conférence CITE 2013.

De nombreux spécialistes des technologies de l’information, habitués à une superposition de serveurs avec l’installation de correctifs et de mises à jour, et à un contrôle total de l’environnement informatique, ont du mal à accepter de passer au cloud, déclare Stephane Maarek, vice-président Amérique du Nord chez Outscale, société de services de cloud basée en France. Mais les avantages sautent aux yeux lorsqu’on comprend la technologie à la base du cloud.

« Une infrastructure cloud promet d’apporter de nouveaux produits et solutions plus rapidement et à moindre coût », affirme-t-il. « L’élasticité des ressources et les outils d’automatisation des infrastructures sont propres à l’utilisation du cloud et sont maintenant exploités par des équipes plus avancées et plus dynamiques, ce qui leur permet de réduire les coûts et les délais de commercialisation. »

Une démonstration de la puissance du cloud peut convaincre les professionnels des technologies de l’information les plus sceptiques, déclare S. Maarek. « Si une image vaut mille mots, une démonstration en vaut un million. » Lorsque S. Maarek met en évidence les capacités du cloud, il signale qu’une entreprise aura besoin de plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour ajouter ne serait-ce qu’une petite grappe de serveurs à un modèle de 2e plateforme quand Outscale peut activer un millier de serveurs Windows en moins de cinq secondes.

OBSTACLES MAJEURS

Malgré tout, bon nombre de grandes entreprises partagent la même préoccupation : la sécurité du cloud computing. L’étude « State of the Cloud » révèle pourtant que les problèmes de sécurité s’estompent à mesure que le cloud se développe. Selon le rapport, « bien que la sécurité soit l’enjeu le plus souvent évoqué, le pourcentage d’organisations qui citent la sécurité comme un problème majeur a chuté de 38% pour les novices du cloud à 18% pour les utilisateurs expérimentés ».

Par ailleurs, les entreprises expérimentées rencontrent deux fois moins de difficultés de gouvernance, de conformité et d’intégration aux systèmes internes par rapport aux débutants. « Plus les organisations apprennent à travailler sur le cloud, plus son utilisation est simple et plus elles comprennent comment résoudre les problèmes. »

Sharon Wagner, PDG de Cloudyn, entreprise basée en Israël qui aide les organisations à comprendre leurs dépenses liées au cloud, explique que les entreprises doivent tôt ou tard amorcer leur transition vers le cloud. Cette transition forcera les professionnels des technologies de l’information à accepter de céder une partie de leur contrôle pour bénéficier des nombreux avantages du cloud.

« Un jour ou l’autre, ils devront décider d’investir davantage dans le matériel – d’investir dans quelque chose qui ne leur est pas essentiel – ou de faire quelques compromis sur la sécurité et exploiter les avantages du cloud », explique-t-elle.

COPILOTES EXÉCUTIFS

Lorsque le prix d’accès au marché était plus élevé, les départements informatiques pouvaient se permettre de laisser le temps au changement. Dans un monde où l’accès est instantané, de nombreux dirigeants les poussent à accélérer le changement.

Stephen Orban, directeur technique de Dow Jones and Company, entreprise d’information financière, signale que pour la première fois dans l’histoire de l’informatique, les employés d’une organisation peuvent facilement mettre en place des logiciels sans le soutien de leur département informatique. « Tous les membres d’une organisation sont des copilotes », déclare-t-il lors d’une conférence. « Tous ceux qui travaillent comprennent suffisamment la technologie pour avoir une influence sur ce que nous construisons. »

Cette évolution, explique-t-il, l’a poussé à se montrer plus innovant et plus ouvert. De ce fait, il adopte des processus de développement plus flexibles et déplace de nombreuses opérations des centres de données privés de l’entreprise sur le cloud.

Les responsables comme S. Orban s’en rendre compte : les avantages du cloud computing – et les risques de ne pas l’exploiter – sont trop importants pour être ignorés. Si personne ne recommande aux entreprises de fermer leur centre de données dès demain, les spécialistes leur conseillent d’amorcer la transition. Comme l’indiquent les prévisions d’IDC, les organisations trop lentes, peu importe les raisons invoquées, risquent d’être mises à mal par les structures plus petites et plus rapides. ◆

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