Développer sa résilience pour surmonter les épreuves

Face à une pandémie, l'expérience virtuelle est essentielle pour assurer la continuité des activités de l'industrie de la santé.

Lindsay James
13 January 2021

9 minutes

Bien que la pandémie de COVID-19 ait mis à mal l'ensemble de la chaîne de valeur des soins de santé et des sciences de la vie, elle a également favorisé le développement de solutions digitales et de l'expérience virtuelle. Face aux nombreux défis qui subsistent, les analystes s'accordent à dire que l'avenir de l'industrie repose sur sa capacité à mettre en place de véritables stratégies de transformation digitale.

En se propageant rapidement, la pandémie de COVID-19 a mis à mal les entreprises du monde entier. Matteo di Tommaso, vice-président de la division Medical and R&D ITS du laboratoire pharmaceutique français Sanofi, a piloté l'équipe informatique dont la mission est de garantir le bon fonctionnement et la continuité opérationnelle des systèmes de l'entreprise dédiés à la R&D et aux équipes médicales.

« Nous avons lancé notre plan de crise très rapidement », déclare Matteo di Tommaso. « Nous avons réussi en un temps record à passer simultanément près de 70 000 personnes – soit 70 % de nos effectifs – en télétravail. »

Pour gérer au mieux cette transition, la première priorité de l'équipe informatique de Sanofi consistait à mettre en place l'infrastructure de travail et l'assistance à distance nécessaires pour répondre à la demande croissante.

Matteo di Tommaso ajoute : « Parallèlement, nous avons travaillé de concert avec nos partenaires afin de nous assurer que nous communiquions de manière transparente et proactive pour couvrir tous les risques. Il s'agissait d'un test important de notre infrastructure sur le cloud. Nos récents investissements dans les solutions Software-as-a-Service [SaaS] et la simplification de nos systèmes de télécommunications ont porté leurs fruits, car nous avons été en mesure de faire la transition et d'étendre rapidement nos opérations à distance. »

La rapidité et la fluidité de cette transition vers un modèle global de télétravail souligne les nombreux avantages qu'offre la transformation digitale. L'exemple de Sanofi explique notamment la tendance des principaux cabinets d'analyse du secteur à considérer la pandémie comme un moment charnière où la transformation digitale n'est plus une simple opportunité intéressante à saisir pour les entreprises, mais bel et bien une question de survie.

« Le dicton selon lequel 'la nécessité est mère de l'invention' est particulièrement pertinent ici », affirme Daniel R. Matlis, président d'Axendia, cabinet d'analystes spécialisé dans la santé et basé aux États-Unis. « J'irais même plus loin en disant que 'la disruption est source de transformation'. La période de bouleversement que nous connaissons actuellement marque un véritable tournant pour l'industrie, en termes de modernisation et de digitalisation. »

S'adapter rapidement

La démocratisation rapide de la télémédecine illustre également parfaitement la manière dont l'offre de services sur le cloud a permis à l'industrie de la santé de relever parmi les plus grands défis de cette période.

« Nous avons assisté en l'espace d'une semaine seulement à ce qui aurait pris dix ans à changer en temps normal », déclare Sam Wessely, docteur londonien, dans une interview accordée au New York Times. « Auparavant, pour consulter votre médecin, vous vous déplaciez 95 % du temps sur place afin de le voir en présentiel. Et cela faisait des dizaines voire des centaines d'années que cela fonctionnait comme cela. Désormais, tout a changé. »

Rien qu'en mars, les rendez-vous en téléconsultation sur l'application de santé myGP – approuvée par le National Health Service du Royaume-Uni – ont enregistré une augmentation de 1 451 %. Aux États-Unis, selon Forrester Research, les interactions virtuelles relatives à la santé devraient dépasser le milliard en 2020, dont 900 millions de téléconsultations imputables à la pandémie de COVID-19.

« Il s'agissait d'un test important de notre infrastructure sur le cloud. Nos récents investissements dans les solutions Software-as-a-Service et la simplification de nos systèmes de télécommunications ont porté leurs fruits em>

Matteo di Tomasso
Vice-président, Medical and R&D ITS, Sanofi

Sanofi a ainsi adopté de nouvelles pratiques telles que l'expédition de produits expérimentaux, directement aux patients ; la mise en place de perfusions à domicile à partir de médicaments injectables pour éviter les visites en présentiel ; la télémédecine dans le cadre de l'évaluation des patients ; ou encore les visites virtuelles sur site par vidéoconférence et la collecte de données digitales.

« Nous n'aurions pas réussi à interagir à distance sans l'accès virtuel aux données et nos solutions évolutives », affirme Matteo di Tommaso. « Nous menons de manière générale un grand nombre d'essais cliniques, quel que soit le moment. Il était donc essentiel pour nous de pouvoir assurer la continuité de la plupart d'entre eux. Par ailleurs, nous avons pu lancer très rapidement de nouveaux essais relatifs au COVID-19. Nos équipes ont également fait preuve de rapidité et d'agilité. Autre clé de notre succès : nos capacités en termes de support informatique et de gestion des données. »

Pendant ce temps, Moderna, spécialisée dans les biotechnologies et située dans le Massachusetts, fait partie des premières entreprises à être entrées dans la course au vaccin pour faire face à la pandémie de COVID-19. En juillet 2020, Moderna a lancé des essais cliniques de phase 3 pour l'ARNm-1273 grâce à une plate-forme évolutive, sur le cloud et dédiée au développement clinique. Ces essais – dont le nombre de participants était estimé à 30 000 – sont considérés comme parmi les plus importants à avoir intégré la saisie de données directement auprès des participants, permettant ainsi de réduire les visites en présentiel. Grâce à la collecte de données virtuelles par Moderna, les participants ont pu utiliser leurs propres appareils s'ils le souhaitaient, ce qui a permis d'éviter de transporter un dispositif fourni séparément.

Moderna fait partie des premières entreprises à avoir lancé des essais cliniques pour son vaccin ARNm-1273 contre le COVID-19. Ces essais – dont le nombre de participants était estimé à 30 000 – sont considérés parmi les plus importants à avoir intégré la saisie de données directement auprès des participants. (Photo par Amanda Andrade-Rhoades pour le Washington Post via Getty Images)

« Grâce à [notre] plate-forme unifiée, nous plaçons les participants au cœur de toutes nos actions et efforts afin de développer un vaccin, à la fois sûr et efficace, contre le COVID-19 », déclare Marcello Damiani, directeur de l'excellence digitale et opérationnelle de Moderna. Parmi les technologies capables de soutenir et booster le développement clinique, l'entreprise mise sur la saisie électronique des données, l'évaluation électronique des résultats cliniques et un système de suivi statistique centralisé.

Se préparer : la clé du succès

Mais lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, peu d'entreprises avaient entamé leur transformation digitale.

Daniel R. Matlis poursuit : « L'auteur de romans de science-fiction William Gibson a déclaré un jour : 'le futur est déjà là, il n'est simplement pas réparti équitablement'. C'est exactement ce que nous constatons au sein de l'industrie de la santé. Bien que de nombreuses entreprises et sites innovants misent sur des technologies digitales avancées pour s'adapter rapidement à une situation en constante évolution, l'industrie dans son ensemble est à la traîne. »

Comme pour Sanofi et Moderna, la digitalisation et les solutions sur le cloud clivent et divisent.

« Une chose est sûre, c'est que les entreprises qui ont privilégié les technologies sur le cloud ont su s'adapter en un temps record et de manière efficace pour soutenir l'ensemble de la chaîne de valeur », affirme Daniel R. Matlis. « À l'inverse, les entreprises qui exploitent encore des solutions sur site – dites 'curieuses' ou 'réticentes' au cloud – ont eu beaucoup de mal à gérer de nombreux aspects de leurs activités. Même si nous constatons un véritable changement au sein des entreprises, désormais plus à l'aise avec le cloud, le chemin à parcourir est encore long, car seulement 15 à 20 % des entreprises se laissent tenter. »

D'après Daniel R. Matlis, faire face aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement en ces temps de pandémie et de crise a été particulièrement difficile et ce, pour la plupart des entreprises de la santé.

« Pour s'approvisionner en matières premières, l'industrie a dû relever un véritable défi », déclare-t-il. « La majorité des ingrédients pharmaceutiques actifs sont fabriqués en Chine et en Inde. Dès le début, ces deux pays ont été considérablement impactés par la pandémie. Inutile de préciser que les entreprises du secteur ont donc subi d'importantes perturbations de leur chaîne d'approvisionnement. »

Pour lui, cette situation aura eu le mérite de faire bouger les lignes en obligeant l'industrie à trouver des solutions pour moins dépendre d'une source d'approvisionnement unique. Toutefois, pour gérer de manière optimale des fournisseurs divers et variés, il est essentiel de mettre en œuvre de puissantes solutions digitales de planification, capables d'exécuter le moindre changement d'approvisionnement ou de logistique – qui aura été prévu en amont – et ce, en quelques minutes seulement.

« L'objectif de la technologie est de vous fournir une visibilité globale et un contrôle total sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Cela vous permettra de planifier de manière rapide et optimale l'exécution de vos processus à partir d'ingrédients de qualité, tout en garantissant un environnement collaboratif à vos collaborateurs s'ils travaillent depuis leur domicile », ajoute Daniel R. Matlis. « Le problème, ce n'est pas la technologie, c'est notre capacité à changer notre culture d'entreprise pour transformer nos processus et démocratiser son utilisation. »

« Une chose est sûre, c'est que les entreprises qui ont privilégié les technologies sur le cloud ont su s'adapter en un temps record et de manière efficace pour soutenir l'ensemble de la chaîne de valeur. »

Daniel R. Matlis
Président, Axendia

Changer une bonne fois pour toutes

Changer, c'est possible et Daniel R. Matlis le souligne. Nombreuses sont les collaborations digitales ayant vu le jour entre des universités, des laboratoires pharmaceutiques et des entreprises de biotechnologies pour booster la recherche et le développement de médicaments contre le COVID-19.

« Grâce aux technologies, les meilleurs de l'industrie se rassemblent aujourd'hui autour de la table pour lutter contre cette pandémie », déclare-t-il. « Nous avons face à nous un potentiel considérable. »

Pour Daniel R. Matlis, les jumeaux virtuels – représentations 3D dynamiques et scientifiquement précises de personnes, de produits ou encore de bâtiments, pouvant être utilisées pour tester en toute sécurité des théories et pour surveiller des résultats dans le monde réel – représentent un idéal vers lequel l'industrie devrait tendre.

« Grâce à l'utilisation de jumeaux virtuels, il est possible de réduire considérablement le délai de mise sur le marché d'un nouveau produit biopharmaceutique, qui peut actuellement prendre jusqu'à 15 ans », explique-t-il. « Simuler des parties d'essais cliniques sur la base de modèles humains virtuels permet de gagner énormément en efficacité. Imaginez le temps que nous gagnerions pour développer des processus. La modélisation et la simulation aident déjà les entreprises pharmaceutiques à extrapoler avec exactitude des formules pour déterminer le ratio précis d'ingrédients et garantir ainsi la meilleure efficacité possible d'un produit. L'avantage ? Le processus de transfert de technologie est simplifié et optimisé. »

Associés à des dispositifs médicaux innovants, les jumeaux virtuels ont le potentiel de redéfinir la notion-même de prestation de soins.

« Il est fort probable que nous ayons bientôt des montres connectées, des bracelet de fitness, des bagues à capteurs biométriques ou d'autres dispositifs de ce type pour mesurer la température de notre corps, la saturation en oxygène de notre sang, nos mouvements ou encore notre fréquence cardiaque », affirme Kevin Scott, directeur technique de Microsoft, dans une interview avec la société de conseil McKinsey & Company. « En chargeant les données collectées dans des modèles de diagnostic, ces dispositifs pourraient nous dire si nous sommes malades ou si nous sommes en train de tomber malades, avant même que nous ne le remarquions. »

« Ces avancées constitueraient un véritable changement de paradigme dans notre approche de la médecine. Nous pourrions alors traiter les gens avant qu'ils ne tombent gravement malades, augmentant considérablement leurs chances de guérison. En intervenant plus tôt, avant que les symptômes n'apparaissent ou que le patient ne tombe gravement malade, nous pourrions réduire les coûts et même imaginer que cette solution nous aide à mieux gérer la crise en cas de nouvelle pandémie. »

Assouplir la réglementation

Mais pour une transformation digitale réussie, il est essentiel que les principaux acteurs de l'industrie de la santé et des sciences de la vie travaillent main dans la main, et que les autorités de réglementation leur apportent leur soutien.

« Pour y parvenir, l'industrie dans son ensemble doit travailler de concert », déclare Daniel R. Matlis. « Nous avons déjà commencé à relever certains des plus grands défis de cette transformation digitale, notamment en mettant un terme à l'inertie réglementaire en interne. La Food and Drug Administration [aux États-Unis] a concédé ce point et apporte désormais son aide afin d'optimiser le processus d'approbation de nouveaux logiciels favorisant l'agilité. Cela contribuerait à supprimer 70 à 80 % des documents actuellement requis pour la mise sur le marché de nouvelles technologies dans des domaines comme la fabrication ou l'assurance qualité. »

Pour Daniel R. Matlis, ces avancées permettront de poursuivre la transformation digitale bien au-delà de la pandémie de COVID-19.

« En fin de compte, cette crise nous a offert une véritable opportunité, car elle a ouvert le champ des possibles à l'industrie de la santé », conclut-il. « Nous nous sommes rendu compte qu'en donnant les meilleurs outils à nos meilleurs collaborateurs, nous pourrions réaliser des choses incroyables. »

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