Damien Voisard est au cœur des efforts de Merck Serono pour optimiser le transfert de technologie de la recherche à la production. Directeur adjoint des sciences des processus en biotechnologie chez Merck Serono, filiale suisse de la société allemande Merck KGaA (non affiliée à la société américaine Merck & Company), il sait qu’améliorer la progression d’une technologie, d’une fonction à la suivante est déterminante pour obtentir rapidement des produits rentables et qualitatifs pour le traitement de maladies neurodégénératives, du cancer et de l’infertilité.
Les chercheurs en biotechnologie développent souvent une nouvelle lignée cellulaire à utiliser lors de la création d’une protéine, par exemple, et transfèrent ensuite cette technologie aux experts en développement de processus, qui se focalisent sur les étapes suivantes – essais cliniques, réglementation, mise en production à des fins commerciales. Puis, le département de développement transfère le projet au département de production.
Une rupture de transfert de technologie peut provoquer l’échec du processus de validation, des taux élevés de rejets de lots, des méthodes analytiques non prises en charge par la production ou une documentation incomplète. Bref, un produit qui ne fonctionne pas comme prévu.
LE TEMPS ET L’ARGENT
Afin d’améliorer le processus chez Merck Serono, D. Voisard a mis en place une plateforme qui améliore le partage des informations entre les chercheurs, les développeurs et la production. Elle connecte le système CLE (carnet de laboratoire électronique) – utilisé par les chercheurs et les développeurs de processus afin de documenter leurs processus et résultats – au MES (Manufacturing Execution System) utilisé lors de la production.
Le système, acquis auprès d’un fournisseur externe et configuré pour répondre aux besoins de Merck Serono, permet à la production et aux développeurs de processus de guider les chercheurs sur les variables comme le milieu de culture cellulaire et les processus à utiliser pour obtenir la meilleure efficacité. « Lorsqu’ils développent une lignée cellulaire pour un nouveau produit, le processus est déjà compatible avec la plateforme de production », précise D. Voisard. Le système a amélioré de deux à quatre fois l’efficacité du processus de transfert de technologie. « Nous pouvons facilement passer de la R&D à la fabrication pour la phase I des essais cliniques », explique-t-il. « Nous gagnons ainsi six mois. Et le temps c’est de l’argent. »
L’ENNEMI : LA VARIABILITÉ
Ces économies de temps et d’argent expliquent pourquoi l’amélioration des transferts de technologie est l’une des activités les plus importantes des industries des sciences de la vie pour accélérer la mise sur le marché de nouveaux produits. Un retard, même de trois mois, dans le lancement d’un médicament peut réduire les bénéfices de 15%. Mais la qualité ne doit pas en pâtir : le rappel d’un produit peut anéantir les bénéfices d’un lancement rapide.
« Lorsque l’expert en R&D effectue la première expérience, il comprend comment cette activité sera mise en application à l’usine. »
Paul McKenzie
Vice-président Production et Opérations techniques, JANSSEN PHARMACEUTICALS
L’unité Janssen Pharmaceuticals, qui regroupe les produits pharmaceutiques du groupe Johnson & Johnson, a adopté un processus de transfert de technologie basé sur des plateformes qui améliorent les flux d’informations entre les différentes fonctions. En créant des processus et un vocabulaire standardisés, « nous pouvons nous assurer que lorsque l’expert en R&D effectue la première expérience, il comprend comment cette activité sera mise en application à l’usine », déclare Paul McKenzie, vice-président chargé de la production et des opérations techniques.
L’ennemi de toute entreprise pharmaceutique est la variabilité, le fait qu’une matière première utilisée dans la production soit légèrement différente de celle utilisée lors des essais cliniques ou qu’un changement dans la production du médicament puisse en altérer l’efficacité. « En utilisant des plateformes, nous permettons aux scientifiques d’examiner en amont les éléments connus et inconnus qui pourraient varier et donc entraîner une variabilité lors de la production », explique P. McKenzie. Janssen a ainsi réduit de 10% à 40% le temps nécessaire au transfert des produits d’une étape à une autre.
DE LA VALEUR POUR LE SCIENTIFIQUE
Selon Alan S. Louie, directeur de recherche chez IDC Health Insights à Framingham, Massachusetts (USA), tous les systèmes de transfert de technologie doivent être conçus pour être utiles aux scientifiques. « La valeur réelle se trouve dans la conception d’un système que les chercheurs apprécient et qui les aide dans leur travail », déclare-t-il. « Toute innovation doit apporter de la valeur à l’entreprise dans son ensemble, mais aussi à la personne qui l’utilise au quotidien. »
L’amélioration des transferts de technologie doit déclencher l’innovation, pas la bloquer. En libérant les scientifiques des obstacles quotidiens, les transferts de technologie leur donnent le temps d’être créatifs et d’assurer de meilleurs résultats. ◆
En savoir plus sur le transfert de technologie: https://www.youtube.com/watch?v=sXDD_YhpMTw