COMPASS : AKKA introduit un grand nombre de technologies et d’idées nouvelles. Comment faites-vous ?
MAURICE RICCI : Nous avons un centre de recherche, AKKA Research, où nous employons différents profils d’ingénieurs de sorte que le savoir-faire circule d’une industrie à l’autre. Ainsi, ils échangent entre eux et une étroite collaboration interne se développe. AKKA Research est vraiment très gratifiant en termes d’esprit d’innovation.
Quelle valeur votre approche intersectorielle apporte-t-elle à vos partenaires ?
M.R. : Prenez la technologie des concepts Link & Go : elle ne provient pas de l’industrie automobile mais aéronautique. Elle inclut également des idées appliquées dans le secteur ferroviaire et les transports publics.
Vous mentionnez le concept Link & Go. De quoi s’agit-il ?
M.R. : Notre concept Link & Go est la deuxième génération d’une réflexion démarrée il y a de nombreuses années avec les véhicules électriques. La Link & Go est devenue un véhicule autonome utilisant une carte numérique ou un modèle de l’environnement dans lequel il va évoluer, principalement urbain.
La Link & Go 2.0 prévoit une communication avec des infrastructures intelligentes (panneaux et feux de signalisation, postes de péage et routes) et avec des applis pour smartphone. Dans le cadre d’une infrastructure incluant toutes les conditions nécessaires pour créer un voyage sûr, les coûts peuvent être réduits et l’empreinte carbone minimisée.
La Link & Go 2.0 a permis de révéler le volume phénoménal de données que les véhicules autonomes généreront. Comment s’y préparer ?
M.R. : Si un jour les voitures et autres véhicules deviennent des objets connectés, comme nos smartphones aujourd’hui, il y aura trop d’informations à assimiler. Ces véhicules devront donc avoir une autonomie de données intégrées, la capacité de prendre des décisions afin d’assurer la sécurité du véhicule et des données, et une informatique sécurisée. Mais plus on ajoute de sécurité, plus il devient complexe de stocker les données et d’y accéder. Les gouvernements et leurs administrations doivent comprendre que nous devons travailler sur les règles. L’industrie du numérique s’occupe des composants, mais il faut aussi changer la mentalité des utilisateurs.
Vous vous attachez à dépasser le cadre des défis immédiats et évidents. Est-ce un choix délibéré ou est-ce par nature ?
M.R. : Cette approche est inscrite dans l’ADN de notre société et de notre groupe : comprendre et anticiper les évolutions techniques, les besoins de nos clients et les défis auxquels ils sont confrontés afin d’être prêts à les relever.
En tant que fournisseur, comment délivrez-vous l’innovation comme valeur ajoutée de routine ?
M.R. : Un exemple : en 2013, nous avons introduit un nouveau concept destiné à la mobilité urbaine avec la Link & Go. Il ne s’agit plus d’une voiture qui vous appartient et que vous conduisez vous-même, mais d’un salon roulant dans lequel vous pouvez, en tant que passager, utiliser la durée de votre trajet à votre guise. Le concept du salon dans les véhicules autonomes sous diverses formes est maintenant adopté, l’exemple le plus fascinant étant celui du concept car F015 Luxury in Motion, de Mercedes-Benz.
Nous ouvrons la voie à une nouveauté ; nous parlons innovation et la vivons chaque jour.
Comment l’ingénierie a-t-elle guidé l’avenir du transport et de la mobilité ?
M.R. : Lorsque nous avons démarré notre projet Link & Go, en 2009, la majorité des véhicules électriques étaient des véhicules à moteur à combustion qui avaient été électrifiés. La taille du véhicule et sa capacité en termes de passagers, la sécurité des passagers et son périmètre, ont été des préoccupations majeures auxquelles la Link & Go a dû répondre avec ingéniosité. Pour résoudre les problèmes de capacité d’accueil des passagers, nous avons utilisé le concept « drive-by-wire », similaire au système de pilotage automatique (« fly-by-wire ») utilisé dans l’aviation. Nous avons aussi inventé des systèmes d’absorption d’énergie permettant, même aux véhicules de petite taille, de résister aux chocs et d’être compatibles avec les crash-tests.
Selon vous, comment le transport et la mobilité répondront-ils à l’innovation dans les années à venir ?
M.R. : Si des initiatives comme celles de l’Allemagne et la Californie pour autoriser les essais sur route sont suivies par d’autres, le processus s’accélèrera. Cela fournira une plateforme aux politiciens pour gérer les problèmes de protection de l’environnement et de circulation de ces véhicules autonomes en ville. Si une base saine est trouvée, alors le monde politique pourra travailler plus rapidement à l’amélioration des réglementations.
Comment voyez-vous l’adoption de ces véhicules innovants ?
M.R. : Il y a 30 ans, la jeune génération rêvait d’acheter une Ferrari. Je ne suis pas sûr que les jeunes rêvent aujourd’hui de conduire une voiture silencieuse, qui se gare toute seule et soit radicalement différente. Nous devons donner aux mentalités le temps d’évoluer au sujet des véhicules. Il ne s’agit plus de ce que nous appelons une voiture, mais d’autre chose, d’une autre manière d’utiliser la mobilité.