Je suis à l’arrière d’une Toyota Prius hybride qui roule sur l’autoroute métropolitaine de Tokyo, aux environs de l’aéroport d’Haneda, à l’heure de pointe. De ma place, derrière le siège passager, je peux observer le conducteur à mon aise. Nous roulons à 60 kilomètres à l’heure lorsque, brusquement, le conducteur lâche le volant. Malgré tout, la voiture reste parfaitement contrôlée tandis que nous quittons l’autoroute, freinant et accélérant afin de maintenir une distance de sécurité. Comment ? Notre Prius est connectée par radio à celle qui la précède. La voiture de tête commande notre direction, mesure la distance entre les véhicules grâce à des ondes millimétriques et la maintient constante malgré les variations de vitesse.
C’est la conduite autonome version Toyota Motors, rendue possible grâce au système Cooperative-Adaptive Cruise Control du Groupe, développé dans le cadre des systèmes d’assistance à la conduite de dernière génération de Toyota.
Même certains de ses concurrents promettent d’introduire les voitures autonomes d’ici 2020, Toyota estime qu’il faudra plus de temps pour recréer la relation de travail entre un conducteur et son véhicule. Par ailleurs, le constructeur doute que les conducteurs cèdent aussi facilement le contrôle de leur voiture. C’est pourquoi il concentre ses efforts sur les systèmes d’assistance au conducteur plutôt que sur les systèmes de conduite sans conducteur.
DIFFÉRENTS SYSTÈMES
Lors d’une récente tournée de presse sponsorisée par Toyota, le constructeur a démontré certaines de ses technologies :
Système « pré-collision ». Je roule sur un vaste parking sur lequel des voies ont été tracées. J’atteins la vitesse de croisière. L’aire de stationnement est presque vide ; seule une camionnette y est garée. Au moment où je m’approche, un mannequin mécanisé apparaît derrière la camionnette. Avant que je ne puisse réagir, ma voiture freine brutalement et se dirige vers la droite, évitant le mannequin sans quitter sa voie.
Vision panoramique. En positionnant quatre caméras à grand angle à l’extérieur de l’habitacle, Toyota offre au conducteur une vision de la totalité du véhicule et de son environnement, ce qui permet de voir des piétons qui se trouvent dans les angles morts.
Suivi du marquage des voies. Ce système ajuste l’angle de braquage, la vitesse et la force de freinage d’un véhicule pour le maintenir en position optimale dans sa voie de circulation.
Ces technologies étaient installées dans différents véhicules ; Toyota ne les a pas encore intégrées au sein d’une seule et même voiture.
UNE VÉRITABLE RELATION
Pour coordonner ses efforts, Toyota a créé un Centre de recherche collaborative pour la sécurité, qui mène actuellement 26 projets de recherche dans 16 universités et hôpitaux à travers le monde. Chuck Gulash, basé à Ann Arbor, dans le Michigan (États-Unis), en est le directeur.
« L’OBJECTIF DE TOYOTA EST DE CRÉER UNE VÉRITABLE INTER-RELATION ENTRE LE CONDUCTEUR ET UN VÉHICULE INTELLIGENT. »
CHUCK GULASH
DIRECTEUR, TOYOTA COLLABORATIVE SAFETY RESEARCH CENTER
Il nous l’explique que contrôler un véhicule est devenu un travail infiniment plus complexe qu’autrefois. Aujourd’hui, les conducteurs doivent surveiller des écrans d’information et des affichages sur le tableau de bord, tout en écoutant différents messages vocaux et avertissements sonores.
C. Gulash précise que l’objectif de Toyota est de créer une « véritable inter-relation entre le conducteur et un véhicule intelligent », l’automobile et le conducteur étant des « équipiers » partageant l’objectif commun de sauver des vies. « Les meilleurs équipiers apprennent les uns des autres », souligne-t-il. « Ils observent, écoutent et mémorisent. Ils s’adaptent. Ils communiquent et ils aident, le cas échéant. Au fil du temps, les bases de la confiance s’établissent. »
PASSER LE RELAIS
Toyota utilise la technologie Kinect de Microsoft pour programmer une voiture, que le constructeur appelle Driver Awareness Research Vehicle (DARV), afin qu’elle reconnaisse différents conducteurs. La voiture en stationnement et son conducteur échangent sur la destination avant le début du trajet ; la voiture informe le conducteur des conditions de circulation et lui suggère des itinéraires de remplacement.
Toyota a également travaillé avec le simulateur de conduite de l’université de Stanford, qui piste l’activité du cerveau avec des capteurs et les mouvements des yeux avec un casque électronique, afin de décrire de façon détaillée le comportement du conducteur et l’activité de son cerveau. « Le simulateur peut passer instantanément d’une commande totalement automatisée à une commande entièrement prise en charge par le conducteur ou encore à une commande mixte », souligne C. Gulash. Une telle technologie permettrait de créer un système dans lequel une voiture en mode autonome pourrait envoyer un message d’alerte au conducteur, lui enjoignant de prendre les commandes lorsque les conditions deviennent trop complexes pour elle.
Mais l’homme sera-t-il capable de s’adapter aux changements de situation et de réagir assez vite si une voiture leur rend brusquement le contrôle ? Toyota cherche la réponse à cette question, qui est l’une des raisons pour lesquelles le constructeur doute que le marché de masse soit prêt à adopter les voitures totalement autonomes. L’équilibre entre l’homme et la machine peut se déplacer dans une certaine mesure mais, pour C. Gulash et son équipe, l’homme aura besoin de garder le contrôle ultime – du moins pour le moment. ◆