Transport & mobilité

AUTOMATISÉ, MAIS PAS AUTOMATIQUE

Thomas A Cannell
28 April 2015

3 minutes

Les voitures autonomes offrent la perspective séduisante d’un monde sans accidents automobiles. Toutefois, l’infrastructure indispensable et le modèle économique pour financer la construction et la gestion d’un réseau automobile intelligent constituent des obstacles majeurs qui n’ont toujours pas été levés.

Les avantages potentiels des voitures intelligentes connectées à un réseau mondial enthousiasment les constructeurs automobiles, les entreprises de matériel high-tech et les conducteurs du monde entier.

Concrétiser ce système complexe représente un véritable défi – de la technologie au coût de la construction et de la maintenance d’un système universel qui fonctionne avec la technologie embarquée de chaque automobile – qui tient en haleine les spécialistes des technologies et des réseaux, les organismes de réglementation et les responsables financiers qui bûchent sur le sujet. 

Pour compliquer l’affaire, « les différents pays n’envisagent pas le processus d’intégration de la même manière », souligne Anders Tylman-Mikiewicz, directeur général de Volvo Monitoring and Concept Center et vice-président du XC90 SUV pour Volvo Cars North America.

Pour évaluer les changements requis pour l’intégration de la mobilité, il est nécessaire de comprendre comment les problèmes et les défis sont perçus dans les différents secteurs de l’industrie et les différents pays. 

PROJETS PILOTES

Dans sa ville d’origine de Göteborg, en Suède, Volvo confie le volant de 100 voitures autonomes aux citoyens, en partenariat avec les autorités municipales, les législateurs, des acteurs des télécommunications et les autorités responsables des transports. Cette phase d’expérimentation vise à aider les différents partenaires à identifier les difficultés inhérentes à la création d’une infrastructure exploitable pour des voitures intégrées à Internet et les solutions possibles.

“NOS DÉCISIONNAIRES LES PLUS EXPÉRIMENTÉS DE L’INDUSTRIE (AUTOMOBILE) SONT TOUCHÉS PAR LES COMMENTAIRES ENTHOUSIASTES DE LA COMMUNAUTÉ, MAIS CE N’EST PAS LE MARCHÉ DE LA MOBILITÉ.”

JEAN REDFIELD
PDG, NEXTENERGY

 Les concepteurs doivent déterminer quel volume d’intelligence intégrer au véhicule et quelles fonctions héberger pour le contrôle de l’espacement des véhicules dans un environnement de mobilité saturé par exemple. « Nous pouvons parler théorie indéfiniment, ce qu’il faut, c’est mettre des gens dans nos voitures », explique A. Tylman-Mikiewicz. « Seuls des projets pilotes de ce genre permettent de mesurer les comportements, de quantifier les choses et de comprendre comment se déroulera la montée en cadence. » Par ailleurs, grâce à ces essais, les parties prenantes deviennent plus confiantes dans la faisabilité de la technologie, ce qui permet d’accélérer le processus. 

AMATEURS CONTRE PRAGMATISTES

Jean Redfield est PDG de NextEnergy, un incubateur basé à Detroit (Michigan) qui sert de catalyseur pour la démonstration et la commercialisation de technologies avancées en matière d’énergie. « Nos décisionnaires les plus expérimentés de l’industrie (automobile) sont touchés par les commentaires enthousiastes de la communauté, mais ce n’es pas le marché de la mobilité », observe-t-il. Si les amateurs s’intéressent à la puissance des moteurs, à la maniabilité et à l’esthétique, les dispositifs de mobilité partagée ont des problèmes bien plus fonctionnels à résoudre avant qu’un réseau mondial de voitures intelligentes puisse voir le jour.

Pour Pierre Loing, vice-président de Nissan Powertrain, la route est longue du freinage automatique aux prouesses du contrôle automatisé de multiples changements de voies et aux complexités de la navigation au fil des intersections. « Les voitures sont passionnantes », insiste-t-il. « Demandez aux équipes de recherche de la Silicon Valley », ajoute-t-il en clin d’oeil à l’enthousiasme de Google et d’Apple pour les véhicules automatisés.

Cependant, on néglige souvent un autre défi. « Les véhicules autonomes ne sont pas totalement dépourvu de conducteur », remarque-t-il. « Nous ne donnons le contrôle à la voiture que dans certaines conditions. Prenons l’exemple de notre système actuel de maintien de la trajectoire : vous pouvez lâcher le volant pendant 5 à 10 secondes. C’est pourquoi nous concentrons nos efforts sur une question difficile : l’autonomie. » Mais, pour P. Loing, l’autonomie doit être protégée, ce qui soulève une autre question majeure : comment protéger un réseau de conduite automatisé contre les pirates informatiques ? « Lorsque nous développons un système, nous développons des garde-fous. » 

REDÉFINITION DES INVESTISSEMENTS

De tous les défis techniques du concept de réseau automobile, le plus grand est peut-être le moyen de financer la recherche nécessaire pour en faire une réalité, et rentrer dans ses frais une fois la technologie mature.

Pour Sheryl Connelly, futurologue chez Ford Motor Company basé dans le Michigan, il y a moins d’obstacles à surmonter qu’auparavant pour lever des fonds d’investissement. « Des méthodes originales comme Kickstarter, et de nouvelles plateformes telles que le crowdsourcing ou les investisseurs providentiels peuvent donner un bon coup de pouce à ceux qui ont une idée géniale », affirme-t-elle.

Ce que recherchent les sources traditionnelles de financement, selon A. Tylman-Mikiewicz, ce sont des arguments commerciaux en faveur des voitures autonomes et de ce qui suivra. « Une fois que la voiture endosse la responsabilité de la conduite, le conducteur peut réellement faire autre chose. Voilà un argument commercial qui n’existe pas aujourd’hui », explique-t-il. « Cela crée une extension importante du marché pour bon nombre de ces acteurs et qui générera énormément de revenus. »

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