Combat naval

Un groupe d’entreprises maritimes en pleine expansion s’appuie sur le cloud computing pour pousser son avantage concurrentiel

Greg Trauthwein
30 December 2017

6 minutes

Au moment où le secteur maritime se lance à toute vapeur dans la transformation digitale, des acteurs importants se concentrent de plus en plus sur un élément clé : le cloud. Compass s’est entretenu avec des acteurs de l’industrie maritime, grands et petits, pour comprendre en quoi le cloud est essentiel pour leur évolution digitale, et comment ils profitent de ses capacités pour transformer leur activité.

Qu’il s’agisse d’un petit architecte naval employant deux personnes dans le Pacifique Sud ou d’un leader mondial des technologies de pointe et des solutions de génération d’électricité employant 18 000 personnes, les entreprises du secteur se tournent de plus en plus vers le cloud computing pour se transformer.

D’après James Espino, président de Gnostech Inc. - une société d’expertise en cybersécurité, développement de logiciels et ingénierie des systèmes C4ISR (commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance) pour les marchés de la défense et maritime - le cloud permet aux entreprises du secteur maritime de mettre en œuvre des solutions technologiques de pointe tout en étant en mesure de mieux prévoir leurs dépenses de fonctionnement et de ne plus s’inquiéter au sujet des dépenses en capital nécessaires pour maintenir et gérer une infrastructure informatique complexe.

« Plutôt que de consacrer des ressources au maintien d’une infrastructure informatique, il est possible de les mobiliser pour accroître la capacité de l’entreprise à répondre plus vite aux besoins de ses clients », déclare James Espino. « Par exemple, plutôt que d’investir dans une infrastructure informatique physique, les entreprises peuvent se concentrer sur la mise en œuvre d’outils d’analyse de données et d’apprentissage machine pour améliorer ou mettre en œuvre un programme de maintenance conditionnelle afin d’éviter que leurs principaux systèmes ne s’arrêtent à des moments inopportuns. »

DES AVANTAGES GLOBAUX

Martin Fischer, architecte naval spécialisé dans l’hydrodynamique et l’optimisation des formes, dirige une société de deux personnes en Nouvelle-Calédonie. Depuis son île éloignée de plus de 1 200 km du continent australien, Martin Fischer collabore de façon transparente sur des projets de course de voiliers de haut niveau, allant des yachts privés à haute performance à des participations à la Coupe de l’America — un modèle économique rendu possible par le cloud.

« Nous avons commencé à utiliser le cloud computing il y a environ quatre ans », précise Martin Fischer.« Lors de la participation à la Coupe de l’America de Groupama Team France (projet), je collaborais avec des gens qui étaient en France, en Italie, en Argentine, en Nouvelle-Calédonie, en Belgique et en Espagne.À l’heure actuelle, je travaille sur trois projets différents avec des personnes réparties dans plusieurs pays. »

Le moteur diesel moyenne vitesse pour navire Wärtsilä 46 à côté duquel un technicien ressemble à un Lilliputien. Les solutions de Wärtsilä équipent des navires opérant sur tous les océans de la planète, et les centrales électriques de tous les continents. Être capable de se développer via le cloud procure à Wärtsilä une vue holistique des actifs de ses clients, et lui donne la possibilité de travailler avec les partenaires les plus variés et de créer des propositions de valeur à l’échelle de l’industrie.

Ces collaborations longue distance via le cloud portent notamment sur la création de géométries 3D, sur les analyses structurelles, sur la dynamique des fluides digitale, sur les programmes de prédiction de vitesse et sur les simulations dynamiques. Cela représente d’énormes quantités de données qui, si elles étaient échangées manuellement, coûteraient plusieurs jours ou semaines-hommes, et entraîneraient le déphasage de nombreux partenaires par rapport aux évolutions du projet en temps réel.

« L’interaction entre la géométrie 3D et les analyses structurelles est devenue beaucoup plus facile et plus efficace depuis que nous utilisons notre logiciel de conception et de simulation dans le cloud. En effet, il suffit d’un mot de passe et d’un navigateur web pour pouvoir accéder aux modèles 3D. »

À une toute autre échelle, il y a Wärtsilä, une entreprise de technologie intelligente proposant des solutions de cycle de vie complètes pour les marchés de la marine et de la génération d’électricité, qui génère 4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an sur 200 sites et dans 70 pays.

« Le digital est inscrit dans l’ADN de notre entreprise », déclare Marco Ryan, directeur du digital chez Wärtsilä. « Les capacités et l’échelle proposées par les fournisseurs et les plates-formes cloud modernes offrent une vaste gamme de solutions, à la fois dans l’informatique traditionnelle et dans des domaines orientés produit, ce qui nous procure une portée technologique qu’il nous serait impossible d’atteindre par un autre moyen. Nous adoptons une approche proactive du cloud, et aujourd’hui la plupart de nos capacités se trouvent d’une façon ou d’une autre dans le cloud. »

Tirer parti de la puissance collaborative du cloud permet à l’architecte naval néo-calédonien Martin Fischer de travailler en toute transparence avec des partenaires du monde entier sur des projets de course de voiliers de haut niveau, allant des yachts privés à haute performance à des participations à la Coupe de l’America. (Image © Martin Fischer)

Cette capacité donne également à Wärtsilä les moyens de servir les navires de ses clients où qu’ils se trouvent, même en pleine traversée d’un océan.

« Les solutions de Wärtsilä équipent des navires opérant sur tous les océans de la planète, et les centrales électriques de tous les continents. Grâce à notre développement sur une structure cloud, nous bénéficions d’une vue holistique sur les actifs de nos clients, nous travaillons avec les partenaires les plus variés et créons de réelles propositions de valeur à l’échelle de l’industrie » déclare Toby White, vice-président de l’ingénierie digitale pour Wärtsilä.

Un autre avantage ? De nouveaux processus de fabrication.

« Du côté de la production, il y a encore beaucoup à faire », souligne Martin Fischer. « Par exemple, les éléments composites sont encore assemblés manuellement par des constructeurs de bateaux expérimentés et des spécialistes des composites. Mais pour améliorer la qualité et la reproductibilité de ces structures complexes, la robotique prendra le relais. Une approche entièrement informatisée est inévitable pour ces nouvelles méthodes de production. Une approche entièrement basée sur le cloud nous évitera l’échange manuel des informations et éliminera une source majeure d’erreur. »

UNE ÈRE DE CHANGEMENTS

Plutôt que d’attendre de subir les changements, d’autres acteurs du secteur s’appuient sur le cloud computing pour créer leurs propres offres d’idées disruptives.

« Tous les secteurs peuvent être menacés par la digitalisation, que ce soit en termes de nouveaux concurrents, de nouveaux canaux ou de nouveaux produits », déclare Juha Rokka, vice-président de l’ingénierie, division Ship Intelligence, chez Rolls-Royce Marine. Les 5 000 employés de la division Ship Intelligence, donc, se concentrent sur le développement de solutions cloud pour les navires commandés à distance et autonomes, y compris des technologies d’intelligence artificielle et d’apprentissage machine.

GÉRER LE RISQUE OU COULER

La cybersécurité figure en tête de l’ordre du jour de la plupart des entreprises, mais les chefs d’entreprise ne devraient pas laisser ces préoccupations les détourner du cloud.

« Les bons fournisseurs de services cloud peuvent contribuer à réduire l’exposition des entreprises au cyber-risque », explique James Espino. Les leaders de l’industrie maritime doivent considérer la cybersécurité comme une décision fondée sur le risque, et la décision consistant à mettre en œuvre une solution cloud et à sélectionner un fournisseur de services cloud ne devrait pas être perçue autrement.

« Un fournisseur de services cloud digne de ce nom devrait pouvoir atténuer l’exposition de l’entreprise au cyber-risque due à l’obsolescence et à la maintenance médiocre des matériels et logiciels », précise James Espino. « L’aide des fournisseurs de services cloud n’élimine pas le besoin qu’ont les entreprises de recruter des personnels informatiques et de cybersécurité, mais peut instaurer un environnement où ces équipes peuvent soutenir les fonctions principales de l’entreprise et améliorer l’expérience client. »

«  TOUS LES SECTEURS PEUVENT ÊTRE MENACÉS PAR LA DIGITALISATION. »

JUHA ROKKA
VICE-PRÉSIDENT INGÉNIERIE, SHIP INTELLIGENCE, ROLLS-ROYCE MARINE

« Si vous n’adoptez pas une approche écosystémique, vous courez le risque que vos produits et solutions ne soient disponibles que dans des domaines isolés de l’écosystème. Parce que les nouveaux produits et services sont créés par le biais du partage des données et l’interaction des composants à travers l’écosystème, il est à craindre que votre accès au marché et même vos marges soient à la merci de gens qui opèrent à une échelle entièrement différente. Ce niveau de rupture causera d’énormes difficultés financières et pourrait même vous être fatal. »

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